Après la hausse qu’a connu la température moyenne de la Terre entre 2013 et aujourd’hui, une nouvelle poussée de fièvre avec un probable El Nino n’est pas à exclure dès l’année prochaine. Et une étude scientifique pronostique une « augmentation de la probabilité de températures intenses à extrêmes » dans les quatre ans qui viennent…
L’accumulation d’ouragans violents, d’inondations, de sécheresses, de périodes de chaleur ici et là, fait écrire et dire ces temps-ci, notamment en France, que le réchauffement planétaire s’accélère. On pourrait même presque croire que le phénomène est nouveau, qu’il s’est accéléré depuis ces dernières catastrophes ou canicules qui ont pu toucher le pays directement (Irma, été 2018…). Remettons un peu les choses à leur place, sans confondre climat et météo.
Concentration de CO2: nouveaux records
Tout d’abord, le réchauffement de la planète augmente de manière générale depuis que nous brûlons des énergies fossiles, particulièrement depuis les Trente Glorieuses, c’est-à-dire depuis des dizaines d’années. Tant que nous continuerons d’utiliser pétrole, charbon ou encore gaz naturel, il s’aggravera forcément de plus en plus. Cela est notamment dû à la croissance continue de la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone (CO2) que cette utilisation provoque.
Au laboratoire spécialisé de Mauna Loa, à Hawaï, la concentration atmosphérique de CO2 a ainsi atteint en moyenne 411,24 ppm (parties par million) pour l’ensemble du mois de mai 2018. Il s’agit d’un nouveau record depuis le début de l’époque industrielle, période qui connaissait une concentration de 280 ppm. Et ce record sera inexorablement battu tous les ans tant que nous émettrons plus de CO2 que ce que n’absorbent les écosystèmes terrestres et les océans. En conséquence, les phénomènes que le réchauffement global sera capable de générer, par exemple les ouragans les plus violents, pourront eux aussi être de plus en plus marqués puisqu’ils disposent de plus en plus d’énergie. C’est dans le cadre de cette évolution que s’inscrivent les désordres météorologiques constatés par exemple cette année.
Cependant, ce n’est pas parce que la chaleur estivale a été en 2018 particulièrement longue en France qu’il en a été de même partout dans le monde, et que la planète établira cette année un nouveau record mondial. Les mois de juin, juillet et août atteignent respectivement les 5ème, 4ème et 5ème place des mois de juin, juillet et août les plus chauds depuis environ la révolution industrielle, selon l’agence américaine NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration). Si elle se poursuit comme elle a commencé, 2018 sera la quatrième ou la cinquième année la plus chaude, avec 2014 et derrière 2016, 2015 et 2017. Ce ne sera donc pas un record absolu.
Poussée de fièvre depuis 2012
Ce qui a en revanche vraiment de quoi inquiéter dans la dynamique actuelle est ailleurs. Après 2013 (4ème année la plus chaude à son époque), les années 2014, 2015 et 2016 ont toutes les trois consécutivement battu le record de température moyenne mondiale, en partie à cause du phénomène naturel El Nino qui booste également la concentration atmosphérique de CO2, principalement à cause des sécheresses, des incendies et de la croissance moindre des végétaux qu’il provoque sous les tropiques, pendant son pic et également pendant la période qui suit.
Cependant, « si on lui enlevait la part de sa force due au réchauffement planétaire issu des activités humaines, alors El Nino 2015-2016 aurait simplement été classé fort et non extrême », a déjà commenté Eric Guilyardi, directeur de recherches CNRS au Laboratoire d’Océanographie et du Climat et spécialiste d’El Nino. Ce qui veut dire que l’on ne peut pas tout mettre sur le dos d’El Nino. Après les années records 2015 et 2016, les années 2018 comme 2017 retombent ainsi à des niveaux qui étaient eux mêmes des records il y a moins de cinq ans, et cela alors que deux La Nina, le phénomène inverse d’El Nino, censé donc rafraîchir quelque peu les températures, ont été observés depuis la fin 2016.
Si l’on prend l’évolution annuelle de la moyenne de la température planétaire des 60 derniers mois, alors la poussée de fièvre des dernières années devient évidente. En fait, l’anomalie de température de la Terre lissée sur cinq ans n’a pas cessé d’augmenter tous les ans depuis 2012, passant de +0,61°C par rapport à la température moyenne du XXe siècle à +0,84°C en 2018. Un quart de degré !
A la fin de cette année, le risque est de se retrouver dans la situation suivante: alors que les cinq années les plus chaudes que nous avons connues devraient être sans exception les cinq dernières années du calendrier, voilà qu’un nouvel épisode El Nino pointe le bout de son nez. A ce jour, NOAA estime la probabilité de son retour cet hiver à 65-70%.
Nouvel El Nino, nouveaux records ?
Même si les modèles scientifiques prévoient à ce jour un El Nino faible à modéré, la tendance sur la température moyenne de la Terre devrait donc plutôt repartir à la hausse… Un El Nino est considéré fort quand la température de surface de l’eau au centre de l’océan pacifique équatorial dépasse de plus de 1,5°C la « norme », modéré quand elle évolue entre + 1 et + 1,5°C, et faible quand elle se situe entre +0,5 et +1°C.
Le dernier El Nino modéré a eu lieu en 2009 – 2010, et 2010 est temporairement devenue l’année la plus chaude jamais enregistrée. De plus, si l’on considère une nouvelle fois l’évolution de la température moyenne planétaire lissée sur les cinq dernières années, il suffira en fait que 2019 dépasse 2014 pour prolonger encore cette poussée de fièvre…
Phénomène naturel cyclique issu de l’interaction entre les vents et les courants marins, El Nino déclenche une inversion des vents dans le Pacifique au niveau de l’équateur. Ses conséquences régionales et mondiales sont multiples et plus ou moins intenses selon sa force:
-Arrivée d’une eau plus chaude sur la côte pacifique d’Amérique latine stoppant la remontée (upwelling) des courants profonds riches en nutriments, d’où un arrêt de la formation de plancton, d’où une chute des quantités de poissons pêchés, d’où une crise économique et sociale.
-Mouvement ascendant de la chaleur dans l’atmosphère, celle-ci s’exportant aux hautes latitudes des deux hémisphères, renforçant l’effet du réchauffement global.
-Convection atmosphérique accumulant l’énergie et renforçant les vents d’ouest d’un côté (Pacifique Est), avec fortes pluies, inondations, glissements de terrain, destructions, et de l’autre (Pacifique Ouest) sécheresses propices aux incendies, pertes de récoltes, etc.
Une étude promet de la chaleur pour les prochaines années
De manière générale, le phénomène ENSO (El Nino Southerne Oscillation) alterne les périodes plus chaudes que la moyenne (phases El Nino), plus froides (phases La Nina) et neutres (autour plus ou moins de la moyenne). Et les scientifiques prévoient que le réchauffement planétaire rende plus fréquents les El Nino les plus puissants, ce qui de fait participera également en retour à l’aggravation de la fièvre terrestre.
A noter enfin que des scientifiques – Florian Sévellec, chercheur CNRS au Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale de Brest, et Sybren Drijfhout, de l’Université de Southampton, en Grande-Bretagne- ont mis au point un modèle de prévision statistique qui, en se basant sur des situations proches de la situation actuelle, envisage dès à présent que les années à venir jusqu’à 2022 seront plus chaudes que ne le prévoit la tendance actuelle du réchauffement planétaire, avec une « augmentation de la probabilité de températures intenses à extrêmes »… Le spectre d’un réchauffement qui s’emballe a de beaux jours devant lui !
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C’est vraiment inquiétant.
Ce n’est pas inquiétant, le parasite est entrain de comprendre ce qu’est une petite fièvre terrestre !
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