Bien plus que la hausse de la température planétaire moyenne, l’effet le plus visible du réchauffement de l’atmosphère est l’accroissement des phénomènes extrêmes, donc du chaos que ce surplus d’énergie permet à la machine climatique terrestre de générer, que ce soit avec de la pluie, du vent, de la chaleur ou même du froid ! Ainsi, alors que notre atmosphère s’est réchauffée de quelques dixièmes de degrés depuis la fin du XXe siècle, le coût direct des catastrophes naturelles liées au climat a, lui, plus que doublé !
Avec ou sans phénomène El Nino (« réchauffant », comme en 2015-2016) ou La Nina (« refroidissant », comme fin 2016 et en 2017-2018), les cinq dernières années, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, forment le Top 5 des années les plus chaudes jamais enregistrées depuis la Révolution industrielle, période à partir de laquelle les êtres humains ont de plus en plus utilisé charbon, pétrole et gaz naturel, des énergies à la fois à la source de notre problème climatique et de notre développement.
Comme si la fièvre planétaire accélérait encore
Les statistiques de l’Agence américaine NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) comme du Goddard Institute for Space Studies de la NASA montrent même que ces cinq années se détachent assez franchement des années précédentes. En effet, si 2010 apparaît comme la première année à avoir atteint la barre des +0,7°C (par rapport à la moyenne du XXe siècle pour NOAA, et à la période 1951-1980 pour le GISS) les années 2014 à 2018 s’avèrent toutes au-dessus, les quatre dernières tutoyant ou dépassant même +0,8°C, soit pas moins de +1°C depuis la fin du XIXe siècle. Comme si la fièvre planétaire accélérait encore donc. Ce qu’illustre également très bien l’évolution de la température planétaire moyenne lissée sur cinq ans qui est passée pendant cette période d’une sorte de petit plateau vers +0,6°C à +0,85°C par rapport à la moyenne du XXe siècle.
La Terre redistribue l’énergie solaire avec de la chaleur, du froid, du vent, de la pluie
Certes, mais une fois que l’on a dit cela, a-t-on bien rendu compte, malgré l’évidence des chiffres, de ce qui est véritablement en jeu ? La réponse est non. Calculée à partir de multiples points du globe par rapport à une moyenne établie sur des dizaines d’années, l’augmentation de la température moyenne à la surface de la planète reste une valeur abstraite.
Bien sûr, un physicien comprend ce qu’implique un réchauffement rapide pour une machine thermodynamique comme la Terre. Mais quand on n’a pas trop de notions de physique, qu’on a l’habitude de vivre avec des amplitudes thermiques de 10 à 20°C entre le matin et l’après-midi, et qu’on n’a pas encore pris le temps de se pencher sérieusement sur le problème, c’est bien moins évident. On a au mieux l’impression que le réchauffement est plutôt du genre généralisé, linéaire. Au pire, on se réfugie derrière le relativisme, le scepticisme, ou on fait l’autruche.
Mais il faudra bien à un moment ou à un autre relever la tête. Les phénomènes météorologiques (le vent, la pluie, les tempêtes, le chaud, le froid) ne sont rien d’autre que les moyens qui sont à la disposition de la machine Terre quand celle-ci redistribue l’énergie solaire qu’elle reçoit de manière inégale à sa surface. Augmenter la concentration de CO2 de l’atmosphère, et donc la réchauffer davantage, revient à augmenter l’énergie dont peut profiter la chaleur, le froid, le vent, la pluie ou les tempêtes pour s’exprimer.
Plus il fait chaud, plus l’air peut contenir d’humidité
Ainsi, une atmosphère de plus en plus chaude va permettre au rayonnement solaire d’assécher davantage le sol là où il chauffe déjà beaucoup –stimulant au passage la vigueur des incendies– et va faciliter la fonte des glaces là où il chauffe peu. Mais ce n’est pas tout. Au fur et à mesure où elle se réchauffe, une atmosphère stocke de plus en plus d’humidité dans un même volume: 6,5 g par mètre cube avec 5°C, 17 g avec 20°C, 30 g avec 30°C, etc. Ainsi, plus il fait chaud plus l’évaporation peut être importante (comme sous les tropiques) et plus les précipitations peuvent, en retour, être denses. D’où la multiplication de précipitations intenses ou violentes, d’inondations, de glissements de terrain.
D’autre part, l’atmosphère et les continents se réchauffent plus rapidement que les océans qui, eux, stockent progressivement l’énergie du rayonnement solaire. Un réchauffement relativement rapide, même modéré sur le papier, va se concentrer en premier lieu à la surface des continents. Or, la différence de température entre la surface des continents et la surface des océans crée des vents. Si elle s’accroît, alors la puissance des vents peut elle aussi s’accroître. Ces vents ont donc plus de force potentielle pour, entre autres, amplifier la hausse du niveau de la mer et pousser les eaux vers les côtes, en particulier lors des grandes marées, ce qui facilite les raz-de-marée.
Par ailleurs, quand les océans ont stocké une grosse quantité de chaleur, comme c’est le cas en fin d’été sous les tropiques, ils peuvent redonner à l’atmosphère de l’énergie par les biais des cyclones, ouragans et autres typhons selon les régions. Et plus ils ont d’énergie à disposition, plus les cyclones peuvent être destructeurs et voir leurs zones d’action s’élargir vers de plus hautes latitudes.
Encore un exemple: les plus hautes latitudes sont ceinturées en altitude par des vents créés par l’opposition entre air froid et air chaud. Leur puissance peut s’affaiblir avec le réchauffement de l’atmosphère. Ils isolent alors moins les masses froides qui peuvent descendre à de plus basses latitudes et apporter du froid polaire à des zones habituellement tempérées.
Catastrophes climatiques: des coûts qui ont plus que doublé pour une poignée de dixièmes de degrés
Comme le réchauffement de l’atmosphère augmente en définitive la force destructrice des éléments naturels, il est donc assez cohérent que, selon le Bureau de l’ONU pour la réduction des risques de catastrophes, les catastrophes liées au climat aient au total généré durant ces vingt dernières années (1998-2017) des pertes économiques directes supérieures à 2200 milliards de dollars, contre moins de 900 milliards pour la période 1978-1997. Plus de deux fois plus donc, pour 6000-7000 catastrophes d’ampleur, notamment des tempêtes et des inondations (par exemple en France, en janvier et octobre 2018, pour un coût de plus de 700 millions de dollars) mais aussi des sécheresses, des incendies.
AON, la multinationale britannique de l’assurance, attribue le record actuel du coût des catastrophes climatiques à l’année 2017, totalisant 438 milliards de dollars de pertes à elle seule. Depuis 2010, cinq années ont dépassé les 200 milliards de dégâts (environ la moyenne annuelle pour cette décennie pour l’instant) et aucune n’est en dessous de 100 milliards. Entre 2000 et 2009, une seule (2005) avait franchi cette barre et deux avaient affiché moins de 100 milliards de pertes.
Les destructions supplémentaires ont eu lieu pour une poignée de dixièmes de degrés en plus. Imaginez le bilan avec une fièvre planétaire de 2, 3 degrés, ou plus ! Même sans prendre en compte les risques de basculement abrupts du climat, le terme de chaos climatique est plus adapté pour décrire une telle réalité que celui de réchauffement, non ? Et il peut aider à ouvrir vraiment les yeux.
Humainement parlant, nous sommes clairement entré dans un processus apocalyptique avec des conséquences horribles dans quelques décennies maximum et peut-être moins.
Ouvrir les yeux certes mais c’est probablement pour constater que même avec un revirement des comportements à 180°, il serait hyper difficile d’échapper au pire du fait des boucles de rétroactions des différentes pollutions déjà produites.
Ouvrir les yeux pour appréhender l’avenir ou chanter à tue tête sur le pont du Titanic en tournant le dos à l’iceberg ?
La solidarité, la bienveillance et l’empathie seront sans doute les seules armes de la survie… ou pas.
En tout cas, le constat n’est pas réjouissant !
Ping : Vers le chaos climatique – Enjeux énergies et environnement
Bonjour, oui le constat n’est pas réjouissant. Je vous conseille humblement la lecture de ce livre: https://www.vagnon.fr/9791027102617-climat-comment-tout-changer.html
Ping : Chronique d’un effondrement programmé: épisode covid-19 | Dr Pétrole & Mr Carbone