Une étude publiée par Oil Change International souligne que le respect de l’objectif de l’Accord de Paris sur le climat nécessite d’arrêter le développement des extractions, forages, pompages et autres fracturations pour les charbon, pétrole et gaz. Selon elle, certains gisements actuels devront même « cesser leurs activités avant leur exploitation complète ».
Le contraste est saisissant. Alors que le monde se félicite que l’Accord de Paris sur le climat puisse rentrer en vigueur d’ici la fin de l’année, et que pour montrer le chemin se multiplient les sommets en parties financés par des industries sous perfusion de carbone (comme Climate Chance à Nantes avec Engie et GRDF, ou la prochaine COP22 à Marrakech avec Royal Air Maroc), l’organisme Oil Change International rappelle à travers un nouveau rapport intitulé « The Sky’s limit » ce que veut vraiment dire « limiter le réchauffement bien en dessous 2°C en visant 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels », grand objectif de cet Accord de Paris: sortir totalement du pétrole, du charbon et du gaz, dans les 35 ans qui viennent. Les signataires mesurent-ils vraiment ce que cela implique ?
« Les gisements actuellement exploités de pétrole, gaz et charbon représentent un potentiel d’émissions de gaz à effet de serre qui ferait dépasser la limite 2 °C »
« Les politiques sur le climat ont historiquement porté sur l’imposition de cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, alors que la source de ces émissions n’était pas abordée. Cette approche n’est plus soutenable : les émissions à la source doivent être maintenant réduites », commente Oil Change International qui a réalisé son étude en collaboration avec 14 autres structures dont 350.org., Equiterre, Rainforest Action Network, Global Catholic Climate Movement, Bold Alliance, Earthworks…
Rappelant qu’il est nécessaire que les réserves mondiales connues d’énergies fossiles (charbon pétrole, gaz) restent sous terre au 4/5 environ pour limiter le réchauffement planétaire à moins de 2°C, Oil Change International invite les décideurs à « ne plus développer de nouvelles infrastructures d’exploitation ou de transport des énergies fossiles », et les gouvernements à « cesser d’en délivrer des permis ». Mieux encore: « certains gisements, particulièrement dans les pays riches, devront cesser leurs activités avant leur exploitation complète », affirme-t-il.
Pour réaliser son étude, Oil Change International a considéré deux budgets carbone: l’un offrant 66 % de chance de limiter les changements climatiques sous les 2°C, l’autre offrant 50 % de chance d’atteindre la cible de 1.5°C.
« Si elles étaient exploitées, les réserves mondiales connues d’énergies fossiles feraient augmenter les émissions bien au-delà de ces cibles. En effet, pour atteindre les limites des 2°C ou du 1,5°C, ces réserves doivent restées dans les sols à, respectivement, 71 % et 87 % », estime Oil Change International. L’étude se concentre donc « sur les quelque 30 % de ces gisements pétroliers et gaziers, ainsi que sur les mines de charbon déjà en opération ou en construction », indique l’organisme. « Il s’agit des gisements où les puits ont été (ou seront) forés, les fosses creusées, ainsi que des pipelines, des installations de traitement, des chemins de fer et des terminaux d’exportations déjà construits », précise-t-il.
Pour Oil Change International, « les gisements actuellement exploités de pétrole, gaz et charbon représentent un potentiel d’émissions de gaz à effet de serre qui ferait dépasser la limite 2 °C ». De plus, se passer uniquement du charbon n’est selon lui pas suffisant: « À eux seuls, les gisements de pétrole et de gaz représentent un potentiel d’émissions de gaz à effet de serre qui ferait dépasser la limite 1,5 °C », avertit-il.
Trois scénarios: la « gestion du déclin » des énergies fossiles, les « stranded assets » et le « chaos climatique »
« Chaque État doit faire sa part selon ses capacités à agir tout en respectant ses responsabilités historiques en termes de changements climatiques. Avec seulement 18 % de la population mondiale, les pays industrialisés ont causé plus de 60 % des émissions de gaz à effet de serre jusqu’ici et possèdent les ressources financières pour lutter contre les changements climatiques. » Raison pour laquelle la plupart des fermetures anticipées de gisements et de mines devraient donc « se faire dans les pays industrialisés ».
Selon Oil Change International, « arrêter les nouvelles exploitations et constructions ne signifie pas fermer les robinets du jour au lendemain (…) Alors que les gisements et les mines d’énergies fossiles réduiront leur production, les énergies renouvelables se développeront au même rythme répondant ainsi à la demande mondiale », espère-t-il, reconnaissant néanmoins qu’il sera pour cela au moins nécessaire de « soutenir politiquement les énergies renouvelables » et également d’avoir une transition énergétique « juste » pour ceux qui « dépendent actuellement de l’industrie des énergies fossiles ».
Ca c’est pour le scénario « idéal », le scénario de la « gestion du nécessaire déclin » des énergies fossiles. Oil Change International évoque également deux autres scénarios envisageables. Dans le premier, les compagnies de l’énergie fossile poursuivent leurs activités mais les politiques de réduction des émissions connaissent du succès. Dans ce cas, de nombreux actifs du charbon, du pétrole et du gaz, vont se retrouver dévalorisés. C’est le scénario « stranded assets » (actifs perdus), avec crise économique, chômage, etc. Précision: à ce jour, « les investissements projetés dans l’exploitation et le transport des combustibles fossiles sont estimés à 14 mille milliards de dollars », chiffre Oil Change International.
Dernier scénario envisageable: les entreprises du pétrole, du gaz et du charbon poursuivent leurs extractions, forages, pompages et autres fracturations, et parallèlement les politiques de réduction des émissions -ou de développement massif de l’éolien et du photovoltaïque- sont un échec. Dans ce cas, « les émissions nous conduiront bien au-delà de 2°C, avec comme résultat une catastrophe économique et humaine », promet le rapport. C’est le scénario « chaos climatique ».
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Le scénario représenté par les courbes d’évolution du mixe énergétique de OCI me parait extrêmement théorique.
Penser que l’ont peut à la fois :
1) Augmenter la production d’énergie (surtout en temps de crise) (voir Négawatt)
2) Remplacer les énergie fossiles de transport par du renouvelable
3) Produire l’ensemble de ces moyens de production d’ENR avec une consommation de matériaux/minéraux compatibles avec les stocks actuels (Voir Lowtech)
4) supprimer 100 % du nucléaire
Me parait tout de même très très très optimiste 🙂
Vous allez me dire « mais cela ne change pas le fait qu’il faille laisser 80% des ressources fossiles connues dans le sol », et vous auriez raison, mais cela n’implique pas forcément qu’il y ait une solution théorique fonctionnelle avec une fin heureuse.
Faisons de notre mieux, mais ne vendons pas des choses incompatibles avec les limites de la physique.
Bonjour,
Merci pour cette intervention. Oui, ce scénario pose questions et l’on aura prochainement l’occasion d’y revenir, raison pour laquelle cette partie n’est pas développée ici et que l’on parle de scénario « idéal ». Pour l’instant, je vous remets l’argumentaire de l’étude ici (en anglais): http://priceofoil.org/content/uploads/2016/09/OCI_the_skys_limit_2016_FINAL_2.pdf
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