Le coronavirus covid-19 marque une secousse d’ampleur planétaire due à notre dépassement de certaines limites naturelles depuis des dizaines d’années. En en attendant prochainement d’autres, notamment les déflagrations qui viendront de la question du pétrole.
Voilà. Une bonne partie de l’humanité est maintenant confinée pour au moins quelques semaines du fait de l’émergence d’un nouveau virus qui touche tout le monde -même les riches et les puissants- tandis que l’économie humaine est au ralenti, par exemple en France. Mais quelle est cette particule microscopique qui vient taquiner la vie de l’être au gros cerveau que nous sommes, sa société et sa soi-disant supériorité sur la nature ? En fait, il apparaît que c’est bien notre fonctionnement lui-même qui a permis l’émergence de cet ennemi à qui l’on fait aujourd’hui « la guerre« , de ce nouveau coronavirus, appelé covid-19 ou SARS-CoV-2.
La perturbation des écosystèmes offre de nouveaux terrains de jeu à de multiples espèces envahissantes
Il reste bien sûr encore des zones d’ombre quant au scénario de son apparition, éventuellement sur un marché chinois aux animaux sauvages, éventuellement dans un laboratoire. Mais les scientifiques avancent assez rapidement. Chauve-souris, pangolins… Ces animaux sont porteurs de coronavirus proches de covid-19. Entre braconnage (le pangolin est l’animal le plus braconné au monde), déstabilisation de l’environnement (déforestation, marchandisation d’espèces sauvages, perte de biodiversité, dérèglements climatiques, etc.), manipulation scientifique, concentration urbaine et mondialisation forcenée des échanges de marchandises (et donc également des microbes), la perturbation des écosystèmes, autant dans les airs que dans l’eau, offre de nouveaux terrains de jeu à de multiples espèces envahissantes, ainsi qu’aux bactéries et autres virus. Ce dont a visiblement profité le covid-19, dont l’apparition n’est en fait pas surprenante pour les virologues… Et ce dont pourrait également profiter à l’avenir plein de microbes, par exemple ceux qui sont encore camouflés dans le pergélisol, ces terres gelées depuis des millions d’années aux hautes latitudes mais qui fondent inexorablement du fait du réchauffement planétaire…
La bonne nouvelle serait que le covid-19 nous désintoxique d’une consommation futile frénétique et de déplacements faciles et permanents
Ainsi le covid-19 marque une secousse d’ampleur planétaire due à notre dépassement, depuis des dizaines d’années, des limites de la nature, et dans le cas présent, de limites écosystémiques, biologiques. Et ce coup de semonce -du système Terre en fait- montre à quel point notre propre système de fonctionnement manque de résiliance sans l’aide de la nature. En effet, face à une pandémie de cet ordre, dans une société qui veut toujours repousser la mort, ce système s’arrête. Ce qui était hier une urgence devient anecdotique. Notre seule arme pour éviter que ne grossisse la catastrophe est d’ordonner à tous de rester cloîtrés jusqu’à ce que l’on trouve la parade, ou bien jusqu’à ce que la nature veuille bien s’occuper elle-même du covid-19.
Et en attendant, nous acceptons que l’économie s’effondre temporairement. Nous en revenons à ce qui est fondamental pour espérer vivre dignement: pouvoir être à l’abri, manger sainement, être en bonne santé. Et nous pouvons également juger quotidiennement -loin de la soif de richesse et de son égoïsme- de ce qui est en fait essentiel pour éprouver des moments de bonheur: l’amour, l’amitié, la solidarité, la poésie de la vie… Si le confinement imposé pendant la crise sanitaire due au covid-19 apporte un message d’avenir, c’est bien celui-ci. La bonne nouvelle serait qu’il désintoxique beaucoup d’entre nous d’une consommation futile frénétique et des déplacements faciles et permanents qu’impose notre économie mondialisée dont le système sanguin est irrigué par l’afflux permanent de pétrole.
Après le covid-19, le pétrole
Ce serait d’autant plus salutaire que les problèmes ne s’arrêteront visiblement pas une fois le confinement terminé et le covid-19 vaincu. Pourquoi ? A la suite de cette crise, et pour éviter la multiplication des faillites due à l’arrêt de l’économie, des plans massifs de redémarrage vont être lancés, « quoi qu’il en coûte » comme l’ont annoncé nos dirigeants. Mais il y a un hic. Outre le réchauffement planétaire et tous les bouleversements violents qu’il imposera de plus en plus dans notre quotidien, nous ignorons ostensiblement pour la plupart, nos dirigeants en tête, bien d’autres limites du système Terre, notamment la finitude des ressources naturelles. Et c’est en particulier vrai pour le pétrole dont le pic du pétrole « pas cher » à extraire a été dépassé il y a plus de 10 ans.
Il est particulièrement symbolique que, sur fond de crise sanitaire due au covid-19 et sur fond de faible demande, la Russie et l’Arabie Saoudite -producteurs de pétrole « pas cher » ou pas trop cher à extraire- larguent les amarres des prix pour engager une course poursuite à la clientèle… Si elle dure, cette guerre fera forcément des victimes non seulement du côté des producteurs du pétrole bien plus cher à extraire (comme aux Etats-Unis avec le pétrole de schiste, et aux Canada avec les sables bitumineux) mais aussi du côté d’autres pays dont le budget est alimenté par la rente pétrolière: Algérie, Nigéria, Iran… Avec de multiples risques économiques, politiques et géopolitiques à la clé.
Déplétion à l’horizon
Or, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie, le pic de la production « tous pétroles » est imminent. Ainsi, le surplus actuel dû à la faiblesse de la demande ne doit pas masquer la baisse de la production à venir, comme un arbre -même énorme- ne doit pas cacher une forêt. Notre champion national Total a lui-même dès à présent annoncé une réduction de 3 milliards de dollars de ses investissements. Même en faisant tourner à fond la planche à billets, comme devrait notamment le décider les Etats-Unis pour relancer son « shale oil », comment des entreprises exsangues et des pays étranglés pourraient-ils donc tous relancer à la va vite, cette production à la hausse une fois le surplus actuel épongé, alors que les investissements qui permettraient de le faire étaient déjà initialement insuffisants à l’horizon 2025, toujours selon l’AIE ?
L’issue la plus probable, c’est donc davantage la déplétion, c’est-à-dire de moins en moins de pétrole globalement disponible. Ce qui veut dire un monde dans lequel la croissance économique n’existe plus, un monde en décroissance forcée du produit intérieur brut, avec un prix du pétrole et des déficits pouvant exploser. En effet, en dépit de certains espoirs de « découplage« , disponibilité en pétrole et croissance économique restent intimement liés. Il vaudra mieux alors avoir fait sien du message d’avenir du covid-19, pour construire nos vies autour d’une frugalité qui deviendra de plus en plus, et pour la plupart, une obligation. Et tout cela dans un environnement de plus en plus hostile, le bouleversement climatique poursuivant encore sa route pour longtemps… Avec plein de potentielles mauvaises surprises.
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