Alors que plusieurs compagnies pétrolières, dont Total, Shell et BP, proposent de développer dare-dare le gaz à la place du charbon pour réduire les émissions de CO2, une étude de l’organisme spécialiste du risque carbone pour les investisseurs, Carbon Tracker, met en garde concernant les limites de la croissance des projets relatifs au gaz naturel liquiéfié (GNL). Selon ces experts anglais, 283 milliards de dollars de projets relatifs au GNL risquent de n’être pas viables en 2025 par rapport aux exigences climatiques.
Ca bouillonne sur la planète Pétrole. Le bas prix actuel de l’or noir – 40-50 dollars le baril – paralyse toute rentabilité du pétrole non conventionnel (sables bitumineux, huiles de schistes, liquides du offshore profond) alors que c’est ce pétrole cher qui maintenait jusqu’alors la production mondiale depuis le pic de pétrole conventionnel (pas cher) des années 2006-2008. Au menu: mauvais résultats, plans de restructuration, faillites….
S’ajoute à cela la responsabilité majeure des énergies fossiles, dont évidemment le pétrole, dans le réchauffement global. Les calculs physiques et mathématiques sont tenaces: selon les données du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), 80% des ressources de charbon, de gaz et de pétrole aujourd’hui facilement exploitables, doivent rester dans le sous-sol si l’on veut limiter le réchauffement à +2°C depuis l’ère préindustrielle, c’est-à-dire éviter de léguer une planète invivable. Ce qui rajoute quelques problèmes supplémentaires aux géants du secteur, notamment celui du désinvestissement volontaire et celui des combustibles qui, puisqu’ils doivent rester sous terre, deviennent “imbrulâbles”, et donc font courir aux investisseurs des risques de dépréciations de leurs actifs, c’est-à-dire grosso modo des risques de krach financier, comme le confirme si besoin encore la Banque d’Angleterre. On appelle cela des stranded assets.
Des entreprises pétrolières comme Total, BP, Shell, BG, ENI et Statoil, tiennent à être “partie prenante de la solution”
Pourtant, à l’approche de la Conférence des Nations-Unies sur le climat (COP21), dont le but est justement de trouver un accord capable de limiter le réchauffement global de la planète à +2°C, des entreprises pétrolières comme Total, BP, Shell, BG, ENI et Statoil tiennent à être “partie prenante de la solution”. On les retrouve parmi d’autres pour signaler tous les efforts qu’elles font et qu’elles vont faire pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ces six majors ont également écrit une lettre à la secrétaire de la Convention-Cadre des Nations –Unies sur les changements climatiques, Christiana Figueres, et au Président de la COP21, Laurent Fabius, afin de leur expliquer que, pour faire baisser rapidement les émissions de CO2, le gaz pouvait remplacer le charbon et qu’une telle stratégie pouvait être soutenue par la mise en place d’un prix pour le carbone au niveau mondial.
“Nous pensons que le prix du carbone doit être un élément clé des cadres réglementaires. En agissant en ce sens, les Etats décourageront le recours aux technologies fortement émissives et encourageront au contraire les options les plus efficaces pour diminuer les émissions de CO2, partout dans le monde, notamment la réduction de la demande dans les énergies fossiles les plus carbonées, l’amélioration de l’efficacité énergétique, le remplacement du charbon par le gaz naturel, l’augmentation des investissements dans le captage et le stockage du carbone, les énergies renouvelables, les bâtiments et réseaux intelligents, l’accès à l’énergie hors réseau, les véhicules propres ou encore de nouveaux « business model » et comportements en matière de mobilité”, soulignent notamment ces majors.
Il faudrait en fait que le prix mondial du carbone qu’appellent de leur vœu ces groupes pétroliers puisse décourager totalement l’utilisation du charbon tout en exonérant au moins en grande partie l’utilisation du gaz
Si les signataires reconnaissent avec cette lettre que leur secteur est confronté à une “équation complexe”, ils ne vont pas pour autant encore au bout de cette équation dont ils connaissent pourtant le résultat à obtenir. On répète: 80% des réserves actuellement disponibles facilement doivent rester sous terre, et cela sans nouvelle réserve future (sans hydrate de méthane par exemple). Par conséquent, la proposition de remplacer le charbon par le gaz, dont les émissions sont environ 40% moindres, est-elle aussi solide qu’il pourrait paraître ?
Outre le fait qu’on ne remplace pas des centrales à charbon par des centrales à gaz du jour au lendemain, notamment en raison de leur durée de vie, l’expérience américaine a montré que le remplacement au plan national du charbon par du gaz de schiste a surtout permis l’augmentation des exportations américaines de charbon, donc sa consommation, même si ce n’est pas aux Etats-Unis. Il faudrait en fait que le prix mondial du carbone qu’appellent de leur vœu ces groupes pétroliers puisse décourager totalement l’utilisation du charbon tout en exonérant au moins en grande partie l’utilisation du gaz naturel (qui, au passage, est surtout du méthane, puissant gaz à effet de serre).
Or, une étude publiée par l’organisme anglais spécialisé dans le risque carbone pour la finance, Carbon Tracker, limite nettement le potentiel de croissance de l’utilisation du gaz si l’on veut vraiment rester dans la limite des +2°C.
Carbon Tracker: 16 des 20 plus grands acteurs du marché du gaz liquéfié ont dans leurs cartons des projets majeurs “qui ne vont probablement pas être nécessaires pour satisfaire la demande en 2025”
Identifiant certes une certaine place pour le développement de cette source d’énergie dans les scénarios bas-carbone à l’horizon 2040 (alors que le charbon et le pétrole seraient eux clairement à la baisse), ce rapport suggère que les compagnies devraient être prudentes dans les projets de gaz naturel liquéfiés (GNL) qu’elles vont effectivement développer. Chef de projet à Carbon Tracker, James Leaton relève en effet “une offre actuelle de moyens excédentaire” dans une perspective bas-carbone. Pour lui, il n’est donc pas évident que les projets à venir “produiront de la valeur pour les actionnaires”.
Carbon Tracker arrive à la conclusion que, par rapport à la perspective actuelle, 283 milliards de dollars de projets possibles de GNL sont probablement au total en trop d’ici 2025 (379 milliards d’ici 2035). L’organisme londonien estime en particulier que 82 milliards de dollars de potentielles dépenses d’investissement de capital (capex) dans des usines de GNL ne seront pas nécessaires au Canada, 71 milliards aux Etats-Unis, 68 milliards en Australie…
Le rapport ajoute que 16 des 20 plus grands acteurs de ce marché du GNL ont dans leurs cartons des projets majeurs “qui ne vont probablement pas être nécessaires pour satisfaire la demande en 2025”. Plus des trois quarts donc. Selon Carbon Tracker, le plus grand acteur sur ce marché, Shell-BG, pourrait voir 85 milliards de dollars de futurs projets ne pas être rentables en 2035. Seulement trois compagnies (ENI, Chenière, Noble) ont, toujours selon Carbon Tracker, des projets additionnels jugés viables, tandis que le Français Total n’apparaît pas, selon les experts, comme développant de nouveaux projets GNL pour la prochaine décennie (hormis ceux qui sont déjà opérationnels ou en construction).
Il paraît qu’on cherche encore des milliards pour aider les pays du Sud à atténuer leurs émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter aux changements climatiques actuels et à venir, non?
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C’est tout à fait cela, on rétrograde, pour avancer un peu moins vite. Mais le mur est toujours là.
Le gaz, qui est déjà du méthane, dont une grande partie est éventé, une autre partie torchée, est un gaz à effet de serre très puissant, plus que le CO. Et en plus, son utilisation génère aussi du CO2.
En Moselle, les explorations de forages de gaz en couche de charbon génère du méthane, éventé. Mais ce n’est rien, dit le foreur, comparé aux émanations de la plateforme pétrochimique et des vaches.
Nous n’en sommes qu’au stade d’exploration.
Les populations se réveillent, s’opposent.
Un argument du commissaire enquêteur pour refuser la prolongation de l’enquête publique : personne ne s’est mobilisé durant les 15 premiers jours.
Information du public : un affichage sur site(à l’écart), un affichage en mairie(pas forcément fréquentée) et une annonce légale dans le journal. Ce dernier titre à environ 120 000 exemplaires pour 1 460 000 habitants.
Cherchez l’erreur : êtes-vous informés ? Pas moi
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