Selon l’agence américaine NOAA, le mois d’avril 2014 a été le plus chaud depuis plus d’un siècle avec celui de 2010. Selon la NASA, le mois de mai 2014 a été le plus chaud devant 2010 ! Et voilà El Nino, phénomène naturel aggravant du réchauffement climatique, qui pointe le bout de son nez…
Se dirige-t-on vers une nouvelle accélération de l’augmentation de la température moyenne à la surface de la Terre, boostée par le phénomène El Nino, comme en 1998 ? C’est la question qui devrait avoir de plus en plus de chances d’être posée dans les mois qui viennent à en croire les relevés et les projections scientifiques.
Selon le Goddard Institute for space studies (GISS) de la NASA, le mois de mai 2014 a été le plus chaud depuis plus d’un siècle, c’est-à-dire depuis que ce type de mesure existe (1880). Les scientifiques du GISS estiment que la température à la surface du globe a dépassé de 0,76°C la moyenne de référence (1951-1980). En 2010 et 2012, précédents records de la NASA pour le mois de mai, la température globale avait dépassé de 0,70°C cette moyenne. En 1998, le dépassement avait été de 0,68°C…
80% de chances d’apparition du phénomène El Nino d’ici cet hiver
Pour le centre américain NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), le mois d’avril marque lui aussi un record depuis l’avènement du pétrole: il dépasse de 0,77°C la moyenne du 20e siècle, à égalité avec 2010. Dans l’Hémisphère Nord, la hausse de température à la surface des terres et des océans a atteint 0,92°C toujours selon lui (record avec 2012). D’après la NASA (certaines nuances sont constatées entre les résultats des différents centres de données), avril 2014 n’est « que » 2e derrière avril 2010.
Ces records interviennent alors que le phénomène El Nino pointe de plus en plus le bout de son nez. NOAA estimait en effet à la mi-juin que les chances de rentrer dans des conditions de type El Nino sont de 70% pour cet été et de plus de 80% d’ici la fin de l’année. Des dépassements de température témoins de ce phénomène ont été relevés fin mai – début juin au niveau du pacifique équatorial. Il faut qu’ils perdurent trois mois pour que l’on puisse considérer être en phase El Nino. Officiellement, nous sommes donc toujours en ce mois de juin en El Nino “neutre”.
Phénomène naturel cyclique issu de l’interaction entre les vents et les courants marins et se déclenchant dans le Pacifique au niveau de l’équateur, El Nino (alias l’enfant jésus pour les pêcheurs péruviens qui avec lui voient chuter leurs prises de poissons à l’époque de Noël) a de multiples conséquences régionales et mondiales, parmi lesquelles une poussée générale de la température. C’est par exemple largement à cause d’El Nino que 1998 s’est retrouvée nettement au dessus des années qui la précédaient en terme de fièvre du thermomètre, masquant ainsi faussement la hausse moyenne qui a suivi depuis le début du 21e siècle.
Dans le cas d’une période El Nino, il faut en plus s’attendre à de puissantes pluies sur la façade pacifique de l’Amérique du Sud ainsi que sur la Californie, à de la sécheresse pour l’Australie, l’Indonésie, l’Asie du Sud, ou encore à un affaiblissement de la mousson en Inde. Outre un effondrement de l’activité des pêcheries de l’Equateur, du Pérou et du Chili, on peut également craindre l’envolée du prix de certaines denrées agricoles (cacao, café, canne à sucre, huile de palme…), c’est-à-dire la production de base de la zone tropicale.
Des désastres provoqués par une “petite” augmentation de température…
En fait, avec El Nino, c’est toute la circulation atmosphérique qui se modifie. Ce phénomène est même très révélateur de la subtilité des liens qui unissent les courants marins, la salinité, la température de l’eau, celle de l’atmosphère, les vents, les basses et hautes pressions, et même l’apparition du plancton, source de vie. Un réservoir d’eau chaude conjugué à un simple affaiblissement des alizés dans le Pacifique Est et à un vent d’ouest dans le Pacifique Ouest, générant une “petite” augmentation 2 à 3°C de la température des eaux de surface du Pacifique Est, sont ainsi capables de déclencher en cascades des effets météorologiques planétaires et de multiples catastrophes:
-Arrivée d’une eau plus chaude sur la côte pacifique d’Amérique latine stoppant la remontée (upwelling) des courants profonds riches en nutriments, d’où arrêt de la formation de plancton, d’où chute des quantités de poissons pêchés, d’où crise.
-Mouvement ascendant de la chaleur dans l’atmosphère, celle-ci s’exportant aux hautes latitudes des deux hémisphères, renforçant l’effet du réchauffement.
-Convection atmosphérique accumulant l’énergie et renforçant les vents d’ouest d’un côté (Pacifique Est), avec pluies diluviennes, inondations, glissements de terrain, destructions, et de l’autre (Pacifique Ouest) sécheresses propices aux incendies, pertes de récoltes, etc.
Dans la perspective de la grande conférence climat de Paris, fin 2015 (devant engager tous les pays du monde dans la réduction générale des émissions de gaz à effet de serre à partir de 2020), El Nino nous fera-t-il réfléchir sur le fait qu’à l’échelle de la machine climatique terrestre, une “petite” hausse de la température moyenne suffit pour créer de véritables désastres à terme ? Ce serait bien souhaitable, d’autant plus qu’il est envisagé que le réchauffement climatique aggrave les phénomènes de type El Nino. Selon une étude internationale IRD/CNRS/UPMC/MNHN, “l’un des effets du réchauffement global pourrait être un doublement de la fréquence des événements El Nino extrêmes au cours du 21e siècle.”
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