Alors que la conférence “climat” 2013 de Varsovie est happée par le typhon qui a sévi aux Philippines, la France -se voulant avec François Hollande fer de lance de la lutte contre le changement climatique (Paris 2015)- s’interroge sur ses taxes relatives au travail. Ca tombe bien… Côté pile, on sait qu’une fiscalité carbone pourrait permettre de détaxer le travail et de stimuler les emplois décarbonés. Côté face, une étude anglaise estime qu’entre exonérations fiscales et aides financières, les gouvernements mondiaux subventionnent chaque année à hauteur de plus de 500 milliards de dollars (plus de 6 milliards en France) les énergies fossiles, donc le réchauffement climatique et ses catastrophes… La conférence de Varsovie dira-t-elle stop à cette hypocrisie ?
Satanée fin 2013… Tandis que la conférence “climat” annuelle des Nations-Unies se tient à Varsovie jusqu’au 22 novembre, dans une ambiance dévastée par le typhon Haiyan et son drame philippin, François Hollande et la France doivent faire face à un avis de “grand frais” fiscal… Où est le rapport entre ces deux ”infos météo”, pouvez-vous vous interroger? Suivez le fil rouge… le Président.
Certains médias (pas tous) s’inquiètent de savoir si le typhon Haiyan est la conséquence du bouleversement climatique en cours. La réponse scientifique consiste à expliquer qu’on n’a pas encore assez de recul pour être certain à 100% que ce soit effectivement le cas, mais que le réchauffement global de la planète possède bien, “dans son ADN”, des agents de renforcement des tempêtes les plus violentes…
La réponse citoyenne, qui elle ne pourra décemment pas attendre que l’on soit “100 % certain”, et qui consiste à réclamer et à faire appliquer un principe de précaution, est encore absente des ondes. Or, François Hollande -et avec lui la France- s’est engagé sur la voie de l’”excellence écologique”, ce qui consiste en particulier à être le fer de lance de l’action mondiale contre le changement climatique et ses catastrophes à venir.
Comment déboucher l’horizon? Créer un nouveau système fiscal centré sur une taxe carbone qui permettrait de détaxer le travail
Cette action doit se concrétiser en 2015, lors de la conférence “climat” de Paris que prépare l’actuelle conférence de Varsovie. Vous suivez ? Au programme: l’application à l’horizon 2020, pour tous les pays du globe, de mesures contraignantes afin de parvenir à une stabilisation puis à une régression de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Objectif: insuffler des actions suffisamment puissantes pour que l’augmentation de la température globale moyenne à la surface de la Terre reste en deça de 2°C par rapport au début de l’ère industrielle, sachant que c’est la survie de la civilisation humaine qui est en jeu et que l’on a déjà “gagné” environ 0,85°C supplémentaire entre 1880 et 2012.
Outre l’efficacité énergétique et le développement d’énergies décarbonées, comment faire pour enclencher et stimuler durablement un tel changement ? Les experts climat-énergie ont donné une réponse depuis déjà des années: créer un nouveau système fiscal centré sur une taxe carbone qui, en faisant payer les émissions de gaz à effet de serre, permettrait de défiscaliser le travail humain, de donner plus de justice sociale, de stimuler la relocalisation, de déboucher l’horizon de l’emploi, grâce aux activités décarbonées… Or à ce jour, c’est plutôt l’engrenage inverse qui est à l’oeuvre: fin “physique” de la croissance matérielle “sans limite” (peak oil), crise financière, délocalisation, robotisation, chômage, exclusion…
523 milliards de dollars versés en 2011 pour les énergies fossiles, donc en faveur des émissions de gaz à effet de serre
“Pire” si l’on peut dire: alors que les gouvernements affirment lutter contre le changement climatique, ils exonèrent toujours généreusement de taxe les énergies carbonées…. Un think tank anglais (Overseas Development Institute, ODI) a publié juste avant la conférence de Varsovie, une étude (Time to change the game) qui estime que les subventions offertes aux énergies fossiles par les gouvernements de la planète, s’élèvent à 523 milliards de dollars pour la seule année 2011: 1,9 milliards de dollars d’assistance financière pour le charbon allemand, 500 millions de dollars pour la recherche et le développement des énergies fossiles aux Etats-Unis, 280 millions de livres anglaises de concessions au pétrole et au gaz… La liste est longue.
Au total, les 11 pays les plus riches de l’OCDE, dont la France, auraient en 2011 distribué 74 milliards de dollars pour le pétrole, le charbon et le gaz, soit une subvention de 7 euros par tonne de carbone injectée dans l’atmosphère. Selon ODI, cette somme est par ailleurs 7 fois plus importante que l’enveloppe financière des mêmes pays pour… la lutte contre le changement climatique. La Chine totaliserait pour sa part près de 20 milliards de dollars de subventions pour les énergies fossiles, selon l’Agence internationale de l’énergie.
“Si leur but est d’éviter un changement climatique dangereux, les gouvernements se tirent des balles dans les pieds”, commente la responsable de l’étude de l’ODI, Shelagh Whitley. Et d’ajouter que la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ne reconnaît pas encore elle-même la contribution de ces “subventions” au réchauffement climatique… Peut-on espérer que la conférence de Varsovie inverse cette tendance ?
France: 3 à 4 fois plus pour les subventions aux énergies fossiles que pour la lutte contre le réchauffement climatique
En plus, comme le souligne cette chercheuse, sans définition internationale commune de ce qu’est une “subvention”, il reste difficile de faire vraiment la transparence sur toutes ces aides qui agissent au détriment des énergies décarbonnées, et qui ont souvent pris le “masque” de la lutte contre les inégalités pour se mettre en place… Mais sans résultat réel. Selon le FMI, cité par ODI, les 20% des ménages les plus pauvres reçoivent moins de 7% des bénéfices générés par les subventions aux énergies fossiles.
La France cumule elle-même, sur son territoire métropolitain, des aides en faveur des consorts pétrole-charbon-gaz, pour 3,8 milliards de dollars selon l’OCDE. Il convient d’y ajouter l’exonération de taxe pour notre trafic aérien avec l’outre-mer ainsi que pour les vols internationaux, soit plus de 3 milliards d’euros supplémentaires. Total: environ 6 milliards d’euros par an, soit 3 à 4 fois plus que ce que l’on met actuellement dans la lutte contre le réchauffement…
Si le Président, fer de lance de l’”excellence écologique”, fait perdurer une telle hypocrisie et en devient donc le complice face à une montée de la conscience collective de la gravité du changement climatique, l’avis actuel de “grand frais” fiscal aura encore de quoi grimper sur l’échelle de Beaufort… Au contraire, expliquer clairement aux citoyens la nécessité et la volonté d’un réel projet de changement révolutionnaire, bénéfique à l’intérêt général d’aujourd’hui et de demain, mais remettant largement en cause les intérêts particuliers des plus puissants, susciterait au moins la reconnaissance du courage, voire une mobilisation populaire dans un but commun, et montrerait la voie…
Subventions et exonérations à la française (TICPE*, TVA…) en faveur des énergies fossiles
-Activités d’extraction et de production de gaz naturel: 2 millions d’euros.
-Raffinage: 105 millions d’euros.
-Maintien des stations-services: 5 millions d’euros.
-Produits pétroliers consommés en outre-mer : 157 millions d’euros.
-Produits pétroliers consommés et utilisation d’essence en Corse: 15 millions d’euros.
-Taxis: 21 millions d’euros.
-Co-génération: 10 millions d’euros.
-Producteurs de biomasse: 3 millions d’euros.
-Achat de gaz naturel par les ménages: 253 millions d’euros.
-Utilisation du fioul comme carburant (agriculture, bâtiment): 1 milliard d’euros.
-Gaz naturel liquéfié: 53 millions d’euros.
-Utilisation du gaz naturel comme carburant: 4 millions d’euros.
-Moteurs stationnaires (agriculture, construction): 3 millions d’euros.
-Transport routier de marchandises: 300 millions d’euros.
-Transport en commun routier: 30 millions d’euros.
-Fioul pour les agriculteurs: 140 millions d’euros.
-Transport maritime : 350 millions d’euros.
-Transport aérien métropolitain: 300 millions d’euros. Avec les vols d’outre-mer: 600 à 850 millions d’euros. Avec les vols internationaux: 3,5 milliards d’euros (l’exonération de taxe des transports aériens internationaux est issue d’une Convention internationale dite de Chicago…)
-Transport fluvial: 3 millions d’euros.
Sources: OCDE, Cour des comptes.
* Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques
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Les habitudes ont toujours la vie dure, les subventions comme les niches fiscales sont souvent vues comme des dus. Quand au déplacement de la fiscalité du travail vers le CO2, la lutte contre l’écotaxe montre que ce sera un vrai chemin de croix.
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