Après être resté en embuscade durant une bonne partie de 2014, El Nino est désormais bel et bien là. Son retour a été officialisé le 5 mars par l’agence NOAA. Arrivé en février et apte à faire grimper le thermomètre de la Terre, l’enfant terrible du climat, dont la force est signalée “faible” à ce jour, a plus d’une chance sur deux de se poursuivre jusqu’à cet été au moins, selon l’agence américaine.
L’année 2015 sera-t-elle encore plus chaude que 2014 qui vient pourtant de battre un record ? Alors que le mois de janvier 2015 a été le deuxième mois de janvier le plus chaud de l’époque industrielle après celui de 2007, le phénomène réchauffant El Nino a « fêté » son retour en février. La National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a officialisé son arrivée le 5 mars. La force de ce nouvel El Nino est à ce jour classée “faible”. Selon l’agence américaine, il ne devrait ainsi pas être assez puissant pour soulager la sécheresse qui sévit actuellement en Californie mais il pourrait néanmoins apporter un printemps plus humide qu’habituellement le long du Gulf Stream américain.
Resté en embuscade depuis le printemps 2014, au cours duquel les premières prémices de son arrivée ont été relevées, ce cru 2015 d’El Nino possède plus de 50% de chances de se poursuivre cet été, toujours selon NOAA qui lui accorde de surcroît une chance sur deux de perdurer jusqu’à la fin 2015, ce qui est plus qu’il y a un mois (moins de 40% de chances).
Un phénomène révélateur de la subtilité des liens qui unissent courants marins, salinité, température de l’eau et de l’atmosphère, vents, basses et hautes pressions, planctons…
Le dernier El Nino que l’on a connu est celui de 2009-2010 (force modérée). Il suivait les épisodes de 2006-2007 (faible à modéré), 2004-2005 (faible), 2002-2003 (modéré), 1997-1998 (fort). Il est par ailleurs envisagé que le réchauffement climatique aggrave les phénomènes de type El Nino. Selon une étude internationale IRD/CNRS/UPMC/MNHN, “l’un des effets du réchauffement global pourrait être un doublement de la fréquence des événements El Nino extrêmes au cours du 21e siècle”.
Si les scientifiques ont encore beaucoup à apprendre sur El Nino, on sait très bien en revanche que ce phénomène cyclique qui se déclenche dans le vaste Pacifique au niveau de l’équateur terrestre, est révélateur des interactions agissant au sein de la machine Terre et de la subtilité des liens qui unissent les courants marins, la salinité, la température de l’eau, celle de l’atmosphère, les vents, les basses et hautes pressions, et même l’apparition du plancton, base de la vie marine.
De manière générale, le phénomène ENSO (El Nino Southerne Oscillation) alterne les périodes plus chaudes que la moyenne (phases El Nino), plus froides (phases La Nina) et neutres (autour plus ou moins de la moyenne). Pour caractériser ENSO, les scientifiques ont déterminé des régions le long de l’équateur terrestre dans le Pacifique: Nino 1, 2, 3 et 4. Ils s’appuient sur des températures moyennes de surface de la région 3-4, environ au milieu de l’océan, pour déterminer les différentes phases: quand les moyennes restent entre -0,5°C et +0,5°C de la normale, on reste en phase neutre. Quand elles s’écartent d’au moins 0,5°C de la “normale” pendant 3 mois minimum, on peut alors rentrer en phase El Nino (si l’écart est positif) ou La Nina (si l’écart est négatif). Le déclenchement proprement dit du phénomène El Nino arrive avec la réponse de l’atmosphère (via les vents dominants) aux températures de surface de l’océan, ce qui « couple » océan et atmosphère.
En 2014, les +0,5°C ont été atteints en septembre-octobre-novembre, puis dépassés en octobre-novembre-décembre et novembre-décembre-janvier (+0,7°C). Ils ont de nouveau été dépassés en décembre-janvier-février 2015 (+0,6°C), avec des anomalies de vents. D’où l’annonce de ce nouvel El Nino, initialement classé « faible » parce que la surchauffe des eaux de surface est comprise entre 0,5 et 1°C. Un El Nino est considéré fort quand la température de surface de l’océan pacifique dépasse de plus de 1,5°C la « norme » dans la région Nino 3-4, et modéré quand elle évolue entre 1 et 1,5°C.
Un mouvement ascendant de chaleur dans l’atmosphère, qui s’exporte ainsi aux hautes latitudes des deux hémisphères, renforçant le phénomène de réchauffement global.
Concrètement, le phénomène El Nino survient quand un réservoir d’eau de surface suffisamment chaude dans le Pacifique Ouest se conjugue à un simple affaiblissement des alizés (vents d’est) dans le Pacifique Est et à un vent d’ouest dans le Pacifique Ouest. Ces mouvements génèrent alors un déplacement des eaux de surface chaudes vers l’est.
Alors qu’il pourrait sembler assez banal à la lecture, ce type de phénomène possède des effets météorologiques régionales et planétaires lourds de conséquences selon sa force:
– Arrivée d’une eau plus chaude sur la côté pacifique de l’Amérique latine stoppant la remontée (upwelling) des courants profonds riches en nutriments, d’où arrêt de la formation de plancton, d’où chute des quantités de poissons pêchés et donc de l’activité des pêcheries (Equateur, Pérou, Chili…). C’est du reste ce qui a donné au phénomène le nom d’El Nino (traduction: l’Enfant Jésus), les pêcheurs péruviens ne prenant plus de poissons à cause de lui au moment de Noël.
– Convection atmosphérique accumulant l’énergie et renforçant les vents d’ouest d’un côté (Pacifique Est, de la Californie à l’Amérique du Sud), avec fortes pluies, inondations, glissements de terrain, et de l’autre (Pacifique Ouest, de l’Australie à l’Asie du Sud en passant par l’Indonésie et même éventuellement l’Inde) sécheresse propices aux incendies, pertes de récoltes, affaiblissements de mousson, etc.
– Croissance du risque de fragilité des prix de certaines denrées agricoles (cacao, café, canne à sucre, huile de palme…), c’est-à-dire la production de base de la zone tropicale.
– Mouvement ascendant de chaleur dans l’atmosphère, celle-ci s’exportant aux hautes latitudes des deux hémisphères, renforçant le phénomène de réchauffement global. C’est ainsi largement à cause d’un El Nino puissant que l’année 1998 s’est retrouvée nettement au dessus des années qui la précédaient en termes de fièvre du thermomètre planétaire, modérant ainsi la hausse moyenne généralisée de la température qui a suivi depuis le début du 21e siècle.
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