Selon les données du GIEC, au-delà de 500 ppm équivalent CO2, la concentration atmosphérique de gaz à effet de serre fait fondre, comme neige au soleil, les chances de limiter le réchauffement à +2°C depuis l’époque préindustrielle.
Alors que le nouveau record de concentration atmosphérique journalière de dioxyde de carbone a dépassé la barre des 415 parties par million le 15 mai, à la station de référence de Mauna Loa, à Hawaï, selon la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), et que les 410 ppm de CO2 sont franchis en tendance corrigée des variations saisonnières, c’est la barre des 500 ppm équivalent CO2 que nous touchons maintenant si l’on prend également en compte les émissions de méthane (CH4), de protoxyde d’azote (N2O) et autres halocarbures.
Pour l’année 2018, l’index annuel des gaz à effet de serre (AGGI) de NOAA évalue en effet la concentration globale de gaz à effet de serre persistants à 496 ppm équivalent CO2 pour une concentration de dioxyde de carbone estimée à 407 ppm. Donc, si l’on ajoute pour 2019 environ 3 ppm de CO2 et 1 ppm de plus pour les autres gaz à effet de serre, nous y sommes bel et bien, comme on pouvait du reste déjà le prévoir il y a quelques années.
La capacité des gaz à effet de serre à réchauffer l’atmosphère s’est aggravée de 43% en moins de 30 ans
Pour évaluer la part de chacun de ces gaz à effet de serre, la NOAA se base sur leur forçage radiatif (leur capacité à réchauffer l’atmosphère au sol) sur une période de 100 ans. Au total, ce forçage radiatif a maintenant dépassé la barre des 3 watts/M2: environ 2 W pour le CO2, 0,5 pour le méthane, 0,3 pour les halocarbures, 0,2 pour le protoxyde d’azote.
Pour rappel, les émissions anthropiques de CO2 sont dues à l’exploitation et à l’utilisation des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) et à la déforestation; celles de méthane sont issues des énergies fossiles également (exploitation d’hydrocarbures, fuites…), de l’élevage (bovins), de la riziculture ou encore des décharges; celles du protoxyde d’azote (le « gaz hilarant ») proviennent principalement des engrais azotés (utilisation, fabrication avec azote et gaz naturel). Quant aux halocarbures, il s’agit de gaz industriels inventés par les hommes à partir de molécules d’hydrocarbures pour la réfrigération, les aérosols, les mousses isolantes ou encore pour des composants d’ordinateurs et de téléphones portables. Comme quoi les énergies fossiles sont bien partout.
Par convention, les scientifiques de NOAA ont donné l’indice 1 au niveau de forçage radiatif atteint en 1990, année choisie comme repère par le Protocole de Kyoto et symbolisant donc peu ou prou le début de la « mobilisation » des Nations-Unies contre les changements climatiques. L’indice 1,43 a été atteint l’an passé. Autrement dit, la capacité de ces gaz à effet de serre à réchauffer l’atmosphère s’est aggravée de 43% en moins de 30 ans, même si -mauvaise ironie- la pollution tempère en partie le réchauffement planétaire induit.
Une tendance toujours à la hausse exponentielle
Selon les données du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), au-delà de 500 ppm équivalent CO2, les chances de limiter le réchauffement global à +1,5°C depuis l’époque industrielle fondent bien en dessous de 33%. 500 ppm, c’est également la barre au-dessus de laquelle l’éventualité de parvenir à limiter le réchauffement à +2°C se réduit bien en dessous de deux chances sur trois pour tomber à moins d’une chance sur deux dès 530 ppm, niveau qui sera atteint d’ici moins de dix ans à la vitesse actuelle (+3 à + 5 ppm équivalent CO2 par an dans la décennie actuelle). Et en gardant également à l’esprit que, pour stopper cette augmentation de la concentration de gaz à effet de serre, il ne suffit pas que les émissions anthropiques baissent, il faut qu’elles baissent jusqu’à devenir moins importantes que les puits de carbone que sont aujourd’hui les océans et les écosystèmes terrestres, et qui eux-mêmes s’affaiblissent avec le réchauffement global. Ce qui, en première approximation, équivaut à une chute des émissions mondiales de plus de moitié, sans résultat garanti.
Jusqu’alors, nous restons au contraire sur une tendance de hausse exponentielle de la concentration de gaz à effet de serre. Et elle est très marquée depuis les années 1950, c’est-à-dire depuis les Trente Glorieuses et la massification de l’utilisation des énergies fossiles. Alors que la croissance économique et les émissions de CO2 demeurent en très grande partie liées et que les émissions de méthane progressent rapidement depuis une dizaine d’années –ce qui n’a pas encore été pris en compte dans les scénarios d’évolution compatibles avec la limite des +2°C– comment cette tendance pourrait encore s’inverser en si peu de temps autrement qu’avec de véritables ruptures ? Du reste, en France, le premier rapport du Haut Conseil pour le Climat, avec un ton certes feutré, parle lui-même de politiques de ruptures. Et des ruptures, c’est également ce que la Terre peut imposer, entre autres sous formes de crises, par exemple quand son pétrole -sang de nos sociétés basées sur des déplacements faciles et permanents, et également source du réchauffement planétaire- va connaître sa grande déplétion, inéluctable. C’est également ce que la Terre peut imposer avec des sécheresses, des précipitations, des inondations ou encore des tempêtes qui possèdent un point en commun: leur violence s’accroît.
Bonjour… pourquoi la vapeur d’eau n’est pas comptabilisée ? Ou bien est-elle incluse dans une autre valeur ?
Merci
Bonjour Fred,
Merci pour cette (bonne) question. La vapeur d’eau n’est pas comptabilisée parce qu’il ne s’agit pas d’un gaz à effet de serre persistant. Dit autrement, elle reste dans l’atmosphère quelques jours à quelques semaines tandis que les GES comme le CO2, le CH4, le N2O ou les halocarbures y restent des années, sinon des centaines ou milliers d’années. Mais il est exact que ces derniers mettent également en action la vapeur d’eau qui est, en quantité, le principal gaz à effet de serre. Dit encore autrement, le réchauffement que les gaz à effet de serre persistants induisent, accélère le cycle de l’eau.
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