Ayant atteint un pic en novembre 2018, la production mondiale de pétrole (pétrole conventionnel + pétrole non conventionnel) va nettement décliner cette année selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Et la baisse doit se poursuivre en 2021 pour le pétrole de schiste tandis que l’AIE estimait avant la crise actuelle qu’il faudrait un triplement de l’offre de ce « shale oil » pour compenser le déclin du pétrole conventionnel d’ici 2025. Or, on ne ferme pas un puits de pétrole comme on ferme un robinet d’eau…
Et si, en fait, l’on avait déjà passé le pic mondial de production de tous les pétroles, le conventionnel (dont le pic a été atteint il y a plus de 10 ans) et le non conventionnel (notamment représenté par le pétrole de schiste américain et les sables bitumineux canadiens) ? Entre les avertissements de l’Agence internationale de l’énergie et l’impact de l’épisode Covid-19 et son confinement, l’hypothèse devient envisageable.
En effet, selon les chiffres de l’AIE, la production mondiale de pétrole brut et de carburants liquides a atteint un pic en novembre 2018 à 102,68 millions de barils par jour. Et, selon ses dernières prévisions, la production devrait tomber à environ 90 millions de barils par jour en mai – juin de cette année avant de pouvoir remonter un peu la pente, mais en restant en dessous de 100 millions de baril toute l’année 2021 au moins.
Or, l’AIE (estimant bien avant l’épisode Covid-19 que les investissements traditionnels dans l’énergie ne sont plus suffisants « pour maintenir les habitudes de consommation actuelles », selon Fatih Birol, son directeur exécutif) avait tiré la sonnette d’alarme dès la fin 2018 ainsi qu’en 2019. Face à la baisse des découvertes et de la production de pétrole conventionnel, il fallait selon elle que l’offre en pétrole de schiste (bien plus coûteux en énergie et en moyens) fasse plus que tripler pour équilibrer le marché jusqu’en 2025.
Depuis plus de dix ans, il est vrai que ce pétrole de schiste a, en compagnie principalement des sables bitumineux du Canada, réussi à compenser le déclin du pétrole conventionnel. Néanmoins, en plus des alertes précédentes, il se trouve que la crise due au coronavirus et au confinement des populations, paralysant l’économie, ainsi que la guerre des prix lancée par la Russie et l’Arabie saoudite (qui a même abouti à des prix négatifs du pétrole, comme un déchet dont on ne voudrait plus), ont fait chuter les activités et les investissements de ces industries par ailleurs très endettées, noircissant ainsi leur avenir. Le nombre de forages s’effondre, de multiples puits ferment, les faillites –déjà nombreuses sans Covid– doivent se multiplier.
Conséquence: au lieu de prévoir une hausse de la production de pétrole américain, l’Agence internationale de l’énergie prévoit maintenant une baisse pour 2020 (-550 000 barils jour en moyenne) comme pour 2021 (-790 000 barils jour). Approchant 13 millions de barils jour en mars dernier, la production américaine devrait chuter à 10,7 millions environ en mars 2021, toujours selon l’AIE, et avec une moyenne pour l’année de moins de 11 millions de barils jour. Ce n’est donc pas avec une telle perspective qu’un doublement voire un triplement de l’offre en pétrole de schiste pour éviter un resserrement de l’offre globale d’or noir, va sembler plus probable entre… 2022 et 2025 !
Au niveau mondial, l’Agence internationale de l’énergie envisage pour cette année une baisse moyenne de la production de plus de 5 millions de barils jour. Et celle-ci sera seulement à moitié compensée en 2021, toujours selon l’AIE. Dans le même temps, les stocks commerciaux de pétrole dans l’OCDE devraient revenir à des niveaux plus proches de la normale. L’heure de vérité devrait alors sonner. Un nouveau boum de schiste aura-t-il lieu?
Sans même parler d’un triplement de l’offre de ce « shale oil », un simple redémarrage rapide de la croissance de sa production n’a rien d’évident. En effet, même sans Covid, ce pétrole se préparait déjà à une phase compliquée cette année. De plus, la fermeture d’un puits de pétrole est bien différente de la fermeture d’un robinet d’eau qu’on peut rouvrir quand on veut, et sans rien changer. Elle implique des coûts et des risques pour la production à venir…
Enfin, le manque de pétrole restant à ce jour le principal facteur limitant de toute croissance du Produit intérieur brut, elle-même phare de l’économie libérale, la récession pourrait alors s’installer durablement, facilitant en retour la déplétion pétrolière tandis que la transition vers « le monde d’après » deviendrait bien plus subie que choisie puisque strictement rien n’a été préparé face à un « peak oil » qui n’a pourtant rien d’une surprise mais que beaucoup de dirigeants politiques et économiques ne veulent pas encore voir comme une réalité physique incontournable.
Un nouveau boum de schiste aura-t-il lieu? Oui, cette hypothèse est fort problable car le monde a »trop soif de pétrole ».
Bonjour Jacques,
Un nouveau boum de pétrole aura-t-il lieu ? Cela n’a rien de certain. Le monde a beau avoir très soif de pétrole, la planète possède des limites géologiques que nous avons déjà passées (pétrole conventionnel). Nous avons continué à en extraire toujours autant uniquement grâce à des technologies et procédés très coûteux en énergie et en moyens, justement parce que la source se tarit. Cela aura forcément une fin.