Ce n’est pas alarmiste, c’est alarmant: selon le 5e rapport du GIEC (2e partie), il ne nous reste même pas un degré supplémentaire à gagner par rapport à la période 2003-2012 pour que les risques passent clairement au rouge concernant les événements climatiques extrêmes et les systèmes naturels menacés. Le GIEC nous dit en plus que « nous ne sommes pas préparés ».
Intitulée “Changements climatiques 2014: conséquences, adaptation et vulnérabilité”, la 2e partie du 5e rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), aborde les impacts des changements climatiques en cours et leurs effets selon le niveau de notre préparation. Les auteurs raisonnent ici en terme de “risques” liés aux changements climatiques. Ils ont défini cinq sources de préoccupation: les menaces sur les systèmes naturels, les événements météorologiques extrêmes, la distribution des impacts autour du globe, les impacts agrégés (dont les dommages économiques) et les événements ou “surprises” de type irréversibles.
Selon eux, les risques seront en tout point élevés ou très élevés si l’on prend 3 degrés supplémentaires par rapport à la moyenne de température 1986-2005. Surtout, prenons un seul degré par rapport à cette moyenne et ces risques seront déjà élevés concernant les menaces sur les systèmes naturels (écosystèmes, cutures) et les événements météo extrêmes (vagues de chaleur, précipitations diluviennes, inondations côtières). Pour être encore plus précis, si l’on se réfère à la moyenne de température 2003-2012 et non plus à celle de 1986-2005, les clignotants commenceront à passer à l’orange dans quelques petits dixièmes de degré… C’est-à-dire à assez court terme à notre rythme actuel.
Mortalité, manque d’eau, pertes d’écosystèmes, de revenus et de moyens de subsistance, sécurité alimentaire, sanitaire, humaine…
D’après le GIEC, les risques liés aux changements climatiques varient selon “la vulnérabilité (manque de préparation)” et “l’exposition (populations et biens menacés)”, le tout étant associé à “des dangers (apparition de phénomènes climatiques ou de tendances)”. Mais “chacun de ces trois éléments peut donner lieu à des actions intelligentes pour réduire les risques”, ajoutent les auteurs qui ont déterminé une série de risques “clés” identifiés avec certitudes. En voici la liste:
-Risques de morts, de troubles, risques sanitaires, perturbations des moyens de subsistance dans les zones basses côtières des petites îles, dus aux tempêtes, aux inondations côtières et à la montée des eaux.
-Risques sanitaires élevés et perturbations des moyens de subsistance pour d’importantes populations urbaines, dus aux inondations intérieures dans diverses régions.
-Risques systémiques dus aux événements climatiques extrêmes: pannes de réseaux et de services stratégiques -électricité, alimentation en eau, services de santé et d’urgence…
-Risques de mortalité pendant les périodes de chaleur extrême, en particulier pour les populations urbaines vulnérables et les personnes travaillant à l’extérieur, en zone urbaine et rural.
-Risques d’insécurité alimentaire et de panne du système alimentaire liés à la chaleur, la sécheresse, les inondations, les fortes pluies et la variabilité des précipitations, en particulier pour les populations pauvres de zones urbaines et rurales.
-Risques de pertes de revenus et de moyens de subsistance en milieu rural dus à un accès insuffisant à l’alimentation en eau et à l’irrigation et à une réduction de la productivité agricole, particulièrement pour les fermiers et éleveurs ayant peu de moyens dans les régions semi-arides.
-Risques de pertes d’écosystèmes marins et côtiers, de biodiversité et de services écosystémiques (pêche, moyens de subsistance côtiers), et d’abord sous les tropiques et dans l’Arctique.
-Risques de pertes d’écosystèmes terrestres et d’eau douce, de biodiversité, de fonctions écosystémiques et de leurs services pour les moyens de subsistance.
Pas d’approche d’adaptation unique mais des approches adaptées à chaque contexte
On remarque que ces “risques” touchent l’ensemble de notre environnement sur des points le plus souvent vitaux: les écosystèmes terrestres et d’eau douce (extinction), les systèmes côtiers et zones de basse altitude, les écosystèmes marins et la ressource halieutique (réchauffement, migration vers les hautes latitudes, acidification), la sécurité alimentaire, les prix alimentaires et les systèmes de productions agricoles, les zones tant urbaines que rurales, les services et secteurs économique stratégiques, la santé humaine, la sécurité humaine (richesse versus pauvreté, migration massive, chocs économiques, famines, ressources en eau) ou encore l’intégrité des états, par exemple côtiers.
Face à cela, le GIEC échafaude différentes lignes de conduite devant servir de cadre d’adaptation et de réduction des impacts:
-Pas d’approche unique mais des approches adaptées à chaque contexte.
-Agir de manière complémentaire à différents niveau, des citoyens à l’Etat.
-Réduire notre vulnérabilité et notre exposition aux variabilités climatiques actuelles.
-Intégrer toutes les approches culturelles et sociétales dans la mise en oeuvre de l’adaptation.
-Favoriser le rapprochement entre sciences et prise de décision.
-Développer les instruments économiques fournissant des indications pour prévoir et réduire les impacts.
-Prendre en compte toute la complexité de l’adaptation (limites financières et humaines, incertitudes des résultats, perception divergentes du risque, etc.).
-Bien anticiper les conséquences des décisions.
-Interargir entre la réduction du changement climatique et l’adaptation.
Inondations, besoins en eau, chaleurs extrêmes: trois risques clés pour l’Europe
Prenons maintenant l’exemple de l’Europe. Augmentations des pertes dues aux inondations, augmentation de la restriction en eau, augmentation des pertes par fortes chaleurs, tels sont à ce jour les trois risques clés identifiés pour ce continent par le GIEC.
1- Effet croissant des inondations. Augmentation des pertes économiques et des personnes affectées par les inondations dans les bassins de rivière, sur les côtes, due à l’augmentation de l’urbanisation, à la montée des eaux, à l’érosion et aux crues.
Adaptation: technologies d’ouvrages contre les inondations, restauration des zones humides. Freins potentiels: la demande en terre en Europe et les préoccupations paysagères et environnementales. Augmentation des coûts avec l’augmentation des protections.
Le GIEC estime que ce risque reste encore bas en Europe si l’on s’adapte, mais qu’il devient moyen dans le cas contraire. Si rien n’est fait, ce risque deviendra rapidement moyen à élevé avant la fin du siècle.
2- Restriction en eau croissante. Réduction significative de la disponibilité en eau de surface et en eau souterraine, combinée avec une augmentation de la demande (irrigation, énergie, industrie, utilisation domestique) et avec une réduction des eaux de drainage, en particulier dans le Sud de l’Europe.
Adaptation: adoptions de technologies plus économes en eau et de stratégies d’économie d’eau (pour l’irrigation, les cultures, les industries, les utilisations domestiques…). Développement de meilleures pratiques et d’instruments de gouvernance dans les bassins de rivières pour la gestion de l’eau.
Le GIEC estime ce risque déjà moyen, surtout quand on ne s’adapte pas. Sans adaptation, il deviendra élevé assez rapidement (horizon 2030-2040) et très élevé avant la fin du siècle avec 4°c de plus.
3- Effet croissant des canicules. Augmentation des pertes économiques et des personnes affectées par les épisodes de chaleur extrême avec des impacts sur la santé et le bien-être, la productivité du travail, la production des cultures, la qualité de l’air, et l’accroissement des feux de forêts en Europe du Sud et en Russie boréale.
Adaptation: développement de systèmes d’alertes, adaptation des logements, des lieux de travail, des transports et des infrastructures de l’énergie, réduction des émissions pour améliorer la qualité de l’air, amélioration de la gestion des feux de forêts, développement des produits d’assurance contre les variations de rendements dus à la météo.
Le GIEC estime ce risque déjà moyen, surtout sans adaptation. Si l‘on ne fait rien, ce risque deviendra élevé assez rapidement (horizon 2030-2040), et très élevé avant la fin du siècle avec 4°C en plus.
Les risques deviennent “difficiles à gérer dans le cas d’un réchauffement important”
Où en sommes nous donc de notre adaptation ? “Dans de nombreux cas, nous ne sommes pas préparés aux risques climatologiques auxquels nous faisons déjà face”, explique Vicente Barros, coprésident du groupe II du GIEC, qui a élaboré ce nouveau rapport. Pour lui, “Investir dans une meilleure préparation peut être payant tant à l’heure actuelle qu’à l’avenir”.
“Une adaptation visant à réduire les risques dus aux changements climatiques commence à se produire, mais elle est axée davantage sur une réaction à des événements passés que sur une préparation à un avenir en évolution,” complète Chris Field, également coprésident du Groupe II du GIEC. S’il existe bien “des possibilités de réagir” encore maintenant, les risques deviennent “difficiles à gérer dans le cas d’un réchauffement important”, ajoutent les auteurs. Par conséquent, plus on attendra, plus ce sera encore plus difficile. “Même des investissements importants et soutenus dans l’adaptation auront leurs limites”, prévient Chris Field.
Après ça, on peut même affirmer qu’il n’est pas sérieux et honnête d’envisager qu’on puisse s’adapter dans un monde où l’on prend 3 ou 4°C sur un siècle…
La première partie du rapport du GIEC (les bases scientifiques du réchauffement climatique) est sortie fin septembre 2013. La troisième partie (comment atténuer les changements climatiques) est prévue pour ce mois d’avril tandis que le rapport de synthèse sera publié en octobre prochain. Rappelons que ces travaux du GIEC réunissent des centaines de scientifiques du monde entier dont l’objet est d’actualiser les données qui font consensus entre les chercheurs sur la question climatique.
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