Disponible sur un site européen du programme Copernicus, les cartes des concentrations d’oxydes d’azote (NOx), montrent des foyers récurrents de rejets sur la planète et dessinent même les routes maritimes principales à travers les océans ! Essentiellement émis par les énergies fossiles lors des combustions, les NOx sont toxiques (NO2) et sont précurseurs des pollutions aux particules fines, comme au printemps dernier, et à l’ozone troposphérique quand il fait chaud…
Intéressantes données que les cartes du projet européen MACC (Monitoring atmospheric composition & climate) issu du programme Copernicus : elles représentent des concentrations de différents polluants sur les continents, au jour le jour. Les cartes relatives aux oxydes d’azote sont particulièrement évocatrices. En effet, les oxydes d’azote (NOx) –qui ont la réputation en France d’être émis principalement par le transport routier, ce qui est vrai dans l’Hexagone mais pas partout dans le monde- ont plusieurs particularités : ils sont créés par l’oxydation de l’azote atmosphérique qui se produit lors de toute combustion à haute température; ils sont notamment précurseurs de particules fines et d’ozone ; ils ne restent pas longtemps dans les airs, quelques jours au plus (absorption des gaz, dépôt à sec des particules, dissolution dans les eaux de pluie) ; et ils peuvent se déplacer sur des distances de l’ordre du millier de kilomètres, selon un document de Guy Landrieu pour l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques). En partant de ces principes, des données mondiales émises quotidiennement devraient permettre de suspecter quelques foyers de rejets récurrents…
Correspondance d’émissions récurrentes de NOx avec des activités liées aux énergies fossiles
En effet, si les cartes de MACC peuvent nettement varier selon les conditions climatiques et les moments même de la journée, des permanences sont relevées pour certaines concentrations fortes de NOx. C’est assez remarquable (carte 1) avec la chine, notamment dans sa moitié Est, le Nord-Est de l’inde, l’Indonésie, l’Afrique du Sud, une partie de l’Europe autour de l’Allemagne et de la Mer du Nord, plusieurs zones de Russie, des secteurs du Moyen-Orient, le littoral Est de l’Australie…
La correspondance avec de frénétiques productions/consommations de charbon et de pétrole est assez nette. On peut ajouter l’Ouest canadien (sables bitumineux) et l’Angola pour lesquels une correspondance serait à rechercher avec la combustion de biomasse, importante dans ces deux pays (fabrication et commerce de charbon végétal en Angola).
Repérage aux NOx des principales routes maritimes de l’Atlantique, du Pacifique, de l’Océan indien
Une autre échelle d’intensité, aux couleurs plus vives (carte 2), éclaire de son côté la plus grande partie des terres de la planète et dessine même, à la manière d’une toile d’araignée, les principales routes… maritimes ! On peut en particulier constater cela (traînés en vert sur la carte) entre l’Asie et les Etats-Unis, entre l’Europe occidentale et les Etats-Unis, un peu plus modestement de l’Europe vers le Canada au Nord, vers les caraïbes et l’Amérique latine au Sud, également le long de l’Afrique de l’Ouest et entre le Moyen-Orient et l’Indonésie. Même si leurs concentrations en NOx apparaissent plus faibles (traînées en bleu sur la carte), de multiples autres itinéraires maritimes peuvent être identifiés, à la fois dans le Pacifique, dans l’Atlantique et dans l’Océan Indien.
On pourra à n’en pas douter rajouter une autre traînée de NOx quand, « grâce » au réchauffement climatique provoqué le pétrole, le gaz et le charbon, le Français Total et le Russe Novatek auront montré l’exemple en passant par le Cercle polaire arctique pour rejoindre l’Asie. Peut-être même que la traînée deviendra noire : le trafic maritime (environ 87 000 milliards de tonnes-milles de port –tmp- en 2011, selon l’ONU) est dû pour moitié environ aux combustibles fossiles, 30% pour le seul pétrole (environ 28 000 milliards de tmp en 2011). L’organisation maritime internationale semble bien informée de ces émissions massives de NOx : une baisse des émissions d’oxydes d’azote émises par les moteurs marins est envisagée à l’horizon 2016 ou plutôt (voeu de l’OMI) 2021…
« Les pics de concentrations de NO2 sont plus nocifs qu’une même dose sur une longue période » (CITEPA)
Formes oxydées de l’azote provenant donc essentiellement des énergies fossiles, les polluants NOx (on ne parle pas du N2O, protoxyde d’azote, puissant gaz à effet de serre à la longue durée de vie et arrivant derrière le méthane en terme de puissance), comprennent notammennt le monoxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote, NO2. « Le NO se transforme en présence d’oxygène en NO2 (de 0,5 à 10%) dans le foyer. Cette réaction se poursuit lentement dans l’atmosphère et explique, dans le cas des villes à forte circulation, la couleur brunâtre des couches d’air pollué situées à quelques centaines de mètres d’altitude (action conjointe des poussières) », indique le CITEPA (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique). « Le NO2 est toxique (40 fois plus que CO, 4 fois plus que NO). Il pénètre profondément dans les poumons. Les pics de concentrations sont plus nocifs qu’une même dose sur une longue période. Le NO est un gaz irritant pour les bronches, il réduit le pouvoir oxygénateur du sang, » ajoute-t-il.
Acide nitrique, acidification des sols, eutrophisation des milieux aquatiques
Très réactifs, les NOx sont de surcroît des précurseurs de particules fines, en particulier de nitrate d’ammonium (NH4NO3). Au contact de l’eau, ils peuvent donner de l’acide nitrique (HNO3). Outre la santé humaine, les conséquences s’enchaînent : selon le document de Guy Landrieu pour l’Ineris, « dans un lac, les apports acides directs ou indirects peuvent abaisser le pH et faire disparaître, par niveaux successifs, la vie aquatique. De même les apports atmosphériques peuvent bouleverser l’équilibre biogéochimique de certains sols forestiers : les plantes ont besoin pour leur croissance de cations alcalins qu’elles trouvent dans les sols (calcium, magnésium, potassium) ; ces cations sont fournis par la décomposition du substrat rocheux ; en cas d’apport atmosphérique acide, ces mêmes cations sont mobilisés par la réaction de neutralisation et drainés en profondeur par la circulation des eaux. Au delà d’une certain niveau annuel d’apport (« charge critique »), le pH du sol peut baisser. Cette baisse du pH peut également s’accompagner d’une augmentation relative de la concentration dans le sol d’aluminium soluble, qui est un élément toxique pour la végétation ».
En plus, « outre l’effet d’acidification, les retombées d’azote constituent pour la biomasse un apport de nutriment qui peut également mettre en cause l’équilibre des écosystèmes naturels : un exemple d’un tel effet d’ « eutrophisation » peut être la prolifération de certains micro-organismes en milieu aquatique et la désoxygénation du milieu qui en résulte », ajoute le document de l’Ineris qui estimait la quantité de NO2 rejetée annuellement par les combustions à 80 millions de tonnes à la fin du 20e siècle (multiplication par 7 en un siècle).
Avec les composés organiques volatils (COV), les oxydes d’azote « peuvent être à l’origine de pointes de pollution par l’ozone »
Les oxydes d’azote sont également précurseur de l’ozone troposhérique (O3), gaz à effet de serre qui fait notamment parler de lui lors des pics de chaleur… « La production d’ozone est le résultat de réactions photochimiques complexes au sein de l’atmosphère (…)Le processus de fond, celui qui est quantitativement le plus important à l’échelle globale, peut être schématisé en disant que l’ozone est produit lors de l’oxydation photochimique de monoxyde de carbone ou de méthane en présence d’oxydes d’azote », précise l’Ineris.
« A ce processus de fond peuvent se superposer des processus de production d’ozone plus locaux et plus limités dans le temps. Ils résultent de l’oxydation photochimique de composés organiques volatils (COV) en présence d’oxydes d’azote. Certains de ces COV sont beaucoup plus réactifs que le méthane ou le monoxyde d’azote ; ils peuvent être à l’origine de pointes de pollution par l’ozone dans des régions à fortes émissions de COV et conditions météorologiques favorables (température, ensoleillement, vent faible…) ».
Enfin, concernant le réchauffement climatique, les oxydes d’azote ont un rôle complexe et variable: réchauffant quand ils participent à la formation d’ozone, refroidissant quand ils participent à la production de composés azotés… « Il est probable que les émissions d’oxydes d’azote (NOx) ont provoqué un forçage radiatif net négatif », souligne le Goupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans le « résumé à l’intention des décideurs » de son dernier rapport sur les bases scientifiques du réchauffement (AR5, partie 1). Autrement dit, en les réduisant dans l’atmosphère, on pourrait réchauffer un peu plus la température moyenne du globe… Ou comment la pollution, quand elle est là, peut être vicieuse.
un diagnostic pollution des sols peut en effet révéler ces formes de pollutions
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