CO2 supérieur à 400 ppm, alertes aux particules fines en France et dans une partie de l’Europe occidentale, pics d’ozone troposphérique en Asie du Sud-Est… Diminuer la consommation d’énergie fossile serait bon pour la santé humaine, non ?
Alors que la concentration de CO2 dans l’atmosphère a dépassé les 12 et 13 mars, en moyenne journalière, la valeur de 400 ppm (1) –ce qui va finir par se poursuivre durant tout le printemps selon les projections– une pollution aux particules fines arrose la France et également une partie de l’Europe occidentale (voir carte), tandis que l’ozone troposphérique attaque an particulier le Sud-Est asiatique ainsi que l’extrême nord de l’Amérique latine… Outre la question du réchauffement, force est de constater que les énergies fossiles, notamment le charbon et le pétrole, ont la plus grande part de responsabilité dans ces deux phénomènes qui, de l’aveu même de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), s’avèrent très nocifs pour les populations, y compris celles des pays développés.
« Dans l’Union européenne, l’exposition aux PM 2,5 produites par les activités humaines réduit en moyenne l’espérance de vie de 8,6 mois » (OMS)
Les particules fines peuvent être d’origine humaine (anthropiques) ou naturelle (issues de volcans, des mers, des processus biogéniques). Mais il est acquis que notre actuel problème provient des activités humaines. De telles particules se composent d’un mélange de substances organiques et minérales, sous forme solide ou liquide. Principaux composants: sulfates, nitrates, ammonium, chlorure de sodium, carbone, matières minérales, eau.
Ces aérosols sont partagés en deux catégories: les aérosols primaires et les aérosols secondaires. Les aérosols primaires proviennent directement de la combustion (charbon, fioul, bois…), du transport routier (avec mention spécial au diesel, ce qui n’exonère pas d’émissions dangereuses les autres carburants comme l’essence), des activités agricoles et industrielles (nécessitant évidemment de l’énergie), de l’érosion (y compris celle qui est issue des activités humaines ou encore du réchauffement)… En résumé, ils trouvent donc en bonne partie leur origine dans les énergies fossiles, leurs produits et effets. Les aérosols secondaires sont formés dans l’atmosphère par des réactions chimiques faisant notamment suite à l’émission de dioxyde de soufre (SO2) et de dioxyde d’azote (NO2), deux polluants eux aussi principalement issus des énergies fossiles, et qui par hydratation se transforment en acides sulfurique et nitrique.
Ces aérosols sont particulièrement visibles (comme en ce moment) quand la situation météorologique (froid nocturne, absence de vent) ne permet pas leur dispersion dans l’atmosphère ou leur retombée sur terre, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas présents quand nous ne les voyons pas… « Aux concentrations auxquelles sont exposées la plupart des populations urbaines et rurales des pays développés et en développement, les particules ont déjà des effets nuisibles sur la santé. L’exposition chronique contribue à augmenter le risque de contracter des maladies cardiovasculaires et respiratoires, ainsi que des cancers pulmonaires », indique l’OMS. Et d’ajouter: « Dans les villes où l’on observe des niveaux de pollution élevés, la mortalité dépasse de 15 à 20% celle enregistrée dans d’autres villes où l’air est relativement plus sain. Même dans l’Union européenne, l’exposition aux PM2,5 produites par les activités humaines réduit en moyenne l’espérance de vie de 8,6 mois. »
En Allemagne, le charbon, c’est 30 000 tonnes de particules fines par an
Devant bientôt dépasser le pétrole dans le hit-parade des énergies les plus utilisées, le charbon est l’énergie fossile la plus « méchante » en particules fines. L’expert climat-énergie Jean-Marc Jancovici a calculé que « l’Allemagne, qui produit 300 TWh d’électricité au charbon, dont une partie de lignite (avec une teneur en cendres plus élevées) produit donc environ 25 millions de tonnes de cendres par an et envoie environ 30.000 tonnes de particules fines dans l’air ».
Selon leurs diamètres, on distingue deux sortes de particules fines: les PM10 et les PM2,5 (2). Le diamètre des PM10 est de moins de 10 micromètres. Seuils préconisés par l’OMS: 20 μg/m3 en moyenne annuelle et 50 μg/m3 en moyenne sur 24 heures. Valeurs limites en France (notez le décalage): en moyenne annuelle 40 µg/m³, en moyenne journalière 50 µg/m³ à ne pas dépasser plus de 35 jours par an.
Les PM 2,5, souvent des aérosols secondaires, sont les plus dangereuses: leur taille leur permet d’atteindre la région alvéolaire et d’altérer les échanges gazeux à l’intérieur des poumons. D’après une étude publiée en 2013 par l’OMS, « l’exposition à long terme aux particules fines (PM2,5) peut être à l’origine de l’athérosclérose, d’issues indésirables de la grossesse ainsi que de maladies respiratoires chez l’enfant. L’examen des bases factuelles sur les aspects sanitaires de la pollution de l’air laisse aussi croire à l’existence d’un lien potentiel avec le développement neurologique, les fonctions cognitives et le diabète, et renforce le lien de causalité entre les PM2,5 et la mortalité cardiovasculaire et respiratoire. Cette recherche a été réalisée à la demande de la Commission européenne dans le cadre de la révision de la politique de l’Union européenne (UE) relative à l’air de 2013 », souligne l’OMS. Seuils préconisés par l’OMS: 10 μg/m3 en moyenne annuelle, 25 μg/m3 en moyenne sur 24 heures. Valeurs limites en France (notez le décalage): en moyenne annuelle 26 µg/m³ pour l’année 2014, 25 µg/m³ en 2015.
L’OMS estimait en 2011 que « chaque année, plus de 2 millions de personnes meurent du fait de l’inhalation de particules fines présentes dans l’air intérieur et extérieur ». Elle précisait alors que « l’exposition moyenne annuelle aux particules PM10 de l’immense majorité des populations qui habitent en milieu urbain dépasse le seuil de 20 µg/m3 recommandé » et qu' »une réduction de la concentration annuelle moyenne de particules PM10 de 70 µg/m3 à 20 µg/m3 devrait entraîner une baisse de 15% de la mortalité ». En France, les morts prématurés annuelles ont été estimées jusqu’à plus de 40 000.
Selon la base de données de l’OMS, la concentration mondiale de PM10 était en 2010 de 71µg/m3, allant de 21 à 142 µg/m3 selon les régions. Dans les villes européennes, elle oscillait de 29 à 42 µg/m3 selon les pays. Toujours d’après l’OMS, la France avait en moyenne en 2008 une concentration de PM10 d’environ de l’ordre de 27 µg/m3, et une concentration de PM2,5 d’environ 20 µg/m3.
Taux de PM10 des villes françaises en 2008 (en µg/m3) selon l’OMS (seuil préconisé: 20)
Aix-en-Provence | 29 |
Ajaccio | 28 |
Amiens | 26 |
Angers | 18 |
Angouleme | 24 |
Annecy | 25 |
Antibes | 34 |
Avignon | 25 |
Bayonne | 20 |
Besançon | 23 |
Bordeaux | 22 |
Brest | 24 |
Caen | 23 |
Cayenne | 27 |
Chambery | 26 |
Clermont-Ferrand | 19 |
Dijon | 19 |
Douai | 26 |
Fort-de-France | 24 |
Grenoble | 28 |
La Rochelle | 25 |
Le Havre | 28 |
Le Mans | 18 |
Lens – Liévin | 28 |
Lille | 29 |
Limoges | 18 |
Lorient | 20 |
Lyon | 33 |
Marseille | 31 |
Maubeuge | 27 |
Metz | 19 |
Montbeliard | 30 |
Montpellier | 23 |
Mulhouse | 25 |
Nancy | 21 |
Nantes | 21 |
Nice | 33 |
Nimes | 21 |
Orléans | 24 |
Paris | 38 |
Pau | 21 |
Perpignan | 22 |
Pointe-a-Pitre | 25 |
Poitiers | 22 |
Reims | 23 |
Rennes | 18 |
Rouen | 25 |
Saint Brieuc | 18 |
Saint Denis | 22 |
Saint Nazaire | 21 |
Saint-Etienne | 26 |
Strasbourg | 26 |
Toulon | 31 |
Toulouse | 20 |
Tours | 24 |
Troyes | 23 |
Valenciennes | 31 |
Taux de PM2,5 des villes françaises en 2008 (en µg/m3) selon l’OMS (seuil préconisé: 10)
Le Havre | 17,7 |
Paris | 22,9 |
Rouen | 16,2 |
Toulouse | 13,9 |
Ironie du sort si l’on peut dire: du point de vue du réchauffement global, ces aérosols ont plutôt tendance à refroidir l’atmosphère au sol, comme le confirme la première partie du nouveau rapport du GIEC. Autrement dit, sans eux, les effets de nos émissions de CO2 et autre CH4 seraient déjà plus importants…
L’ozone troposphérique, à la fois polluant et gaz à effet de serre
Autre pollution pouvant maintenant être régulièrement bien visible au dessus de nos villes, notamment lors des étés chauds, le « smog » qui fait intervenir l’ozone troposphérique (O3). A la différence de l’ozone stratosphérique qui nous protège des ultra violets du soleil, l’ozone troposphérique (c’est-à-dire l’ozone apparaissant dans les couches basses de l’atmosphère) est en effet nocif pour notre santé.
Cet ozone troposphérique se forme sous l’effet du rayonnement solaire suite à nos émissions d’oxydes d’azote, au sol (combustion) et dans les airs (avions), ainsi que de COV (composés organiques volatils), également issus de l’industrie fossile. Actuellement l’Asie du Sud-Est et l’extrême nord de l’Amérique latine sont particulièrement touchés.
« À des concentrations trop élevées, l’ozone a des effets marqués sur la santé de l’homme. On observe alors des problèmes respiratoires, le déclenchement de crises d’asthme, une diminution de la fonction pulmonaire et l’apparition de maladies respiratoires. En Europe, on considère actuellement que l’ozone est l’un des polluants atmosphériques les plus préoccupants. C’est ainsi que plusieurs études européennes ont signalé un accroissement de la mortalité quotidienne de 0,3% et des maladies cardiaques de 0,4% pour chaque augmentation de 10 μg/m3 de la concentration en ozone », estime l’OMS. Seuil recommandé par l’Organisation mondiale de la santé: 100 μg/m3 en moyenne sur 8 heures. Seuil d’alerte en France pour une protection sanitaire pour toute la population : 240 µg/m³ sur 1 heure. Seuils d’alerte en France pour la mise en oeuvre progressive de mesures d’urgence, en moyenne horaire : 1er seuil à 240 µg/m³ dépassé pendant trois heures consécutives; 2e seuil à 300 µg/m³ dépassé pendant trois heures consécutives; 3e seuil à 360 µg/m³.
Selon une étude sur l’évolution de l’ozone troposphérique au cours du 20e siècle, effectuée à partir de l’observatoire du Pic du Midi dans le Sud-Ouest, il apparaît que « l’ozone a augmenté d’un facteur 5 depuis la fin du 19e aux latitudes moyennes de l’hémisphère nord, passant en moyenne de 10 ppb en 1874 à 50 ppb » à la fin du 20e siècle.
« Ceci correspond à un taux de croissance de 1,6% par an, la tendance étant probablement plus élevée (2,4% par an) dans les dernières décennies », commentait alors l’auteur, Alain Marenco, de l’Université Paul Sabatier, à Toulouse. Or, il faut se souvenir que l’ozone est un gaz à effet de serre. Ses réactions chimiques complexes dans la troposphère ont tendance à accroître l’effet du réchauffement global, et en plus à limiter la photosynthèse des plantes, donc l’absorption du CO2…
(1) Mesures du Mauna Loa Observatory à Hawaï.
(2) PM: Particulate matter.
Sources: Organisation mondiale de la santé (OMS), PREV’AIR, AIRPARIF, CNRS.
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