Les pertes économiques dues aux désastres naturels explosent selon l’Organisation des Nations-Unies. A ce jour, l’ONU ne met pas en cause le changement climatique, mais plutôt… la mondialisation, et fait de la “réduction des risques” de catastrophe un nouveau marché, au potentiel “énorme”.
La mondialisation accroît l’exposition des entreprises, des investissements et de l‘économie en général, aux phénomènes naturels extrêmes: cyclones, tsunamis, tremblements de terre, inondations, sécheresses… C’est ce qui ressort du bilan mondial 2013 du Bureau des Nations-Unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNISDR). “N’ayons pas peur des mots : nous sommes bel et bien confrontés à une explosion des pertes économiques dues aux catastrophes”, annonce même le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon.
Tremblements de terre et ouragans: plus de 180 milliards de dollars de pertes annuelles
Pour appuyer ses propos, Ban Ki-Moon avoue que les pertes directes dues aux catastrophes naturelles ont été “sous-estimées”, d’au moins 50 %. Selon lui, “rien que depuis le début du XXIème siècle”, elles s’élèvent à quelque 2500 milliards de dollars. Il conviendrait toutefois d’y ajouter les pertes indirectes (interruption ou perturbation des activités) ainsi que les effets plus larges des catastrophes: pertes de parts de marché, pénurie de main-d’oeuvre, augmentation du coût des assurances… Pour 2011, année du séïsme de Fukushima au Japon, l’ONU avait déjà cité le montant de 366 milliards de dollars. Pour 2005, année de Katrina aux Etats-Unis, la note avait été évaluée à 243 milliards de dollars par l’étude menée par l’ONU avec le Centre de recherche sur l’épidemiologie des désastres (Cred) de l’université de Louvain (Belgique).
Le bilan de l’UNISDR fait de son côté état d’un total mondial de plus de 180 milliards de dollars concernant les pertes moyennes annuelles dues aux seuls tremblements de terre (plus de 100 milliards) et cyclones tropicaux (plus de 80 milliards). Ces pertes ne prennent donc pas en compte les inondations, les sécheresses ainsi qu’une… éventuelle progression future des catastrophes naturelles attribuées au bouleversement climatique en cours.
Etats insulaires et changement climatique: risques de catastrophes amplifié de manière “démesurée”
Dans un autre rapport, l’UNISDR reconnaît “la nécessité d’intégrer davantage le changement climatique” dans son cadre d’action “post-2015”. “Des mesures concrètes sont requises pour prévenir la création de nouveaux risques et faire de la réduction des gaz à effet de serre une priorité pour la réduction des catastrophes”, ajoute ce rapport.
Le bilan 2013 de l’UNISDR souligne quand même que, dans les petits états insulaires, “le changement climatique va vraisemblablement amplifier de façon disproportionnée les risques de catastrophe, compte tenu de la montée du niveau des océans et des risques d’inondations et de marées de tempête associés, de l’augmentation de l’intensité des vents cycloniques, de l’érosion côtière, de la pénétration d’eau de mer dans les aquifères côtiers et de l’aggravation du manque d’eau et de la sécheresse”. En Polynésie française par exemple, 26 aéroports (faisant partie des installations dites “critiques”) sont au total “exposés”, toujours selon ce bureau des Nations-Unies. Quelle politique dès lors pour assurer à long terme la continuité territoriale française ?
Mondialisation: de nombreux « actifs » délocalisés dans des régions sensibles aux inondations, raz-de-marée, cyclones…
Si le changement climatique n’est pas montré du doigt par l’ONU, la responsabilité de la mondialisation économique s’explique par le fait que les délocalisations et autres externalisations ont, sans qu’on veuille s’en méfier, multiplié les actifs dans des régions côtières exposées aux tsunamis et aux cyclones, dans des zones inondables ou encore dans des mégalopoles sujettes aux tremblements de terre. Par exemple, la valeur des actifs générés en Asie de l’Est et dans le Pacifique a plus que doublé entre 1995 et 2005, passant de 4600 à 10 000 milliards de dollars, relève l’UNISDR.
D’autre part, même quand une entreprise est directement “épargnée” par une catastrophe, elle reste sensible aux conséquences de cette catastrophe, en particulier en ce qui concerne l’énergie, les télécommunications et l’eau. En plus, comme les chaînes d’approvisionnement se mondialisent, les effets de la catastrophe peuvent se faire sentir à l’autre bout de la planète. L’UNISDR cite l’exemple de Toyota dont la production a été affectée en Inde, en Chine, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis suite aux pertes subies au Japon par le fabricant de micropuces Renesas Electronics Corporation, lors du tremblement de terre et du tsunami de 2011.
N’hésitons pas à rajouter au passage, autre effet indirect, que la mondialisation favorise l’inflation des transports, donc les émissions de gaz à effet de serre et par ricochet les risques de futurs phénomènes extrêmes et de détérioration globale de l’environnement.
Parallèlement, à lire le bilan 2013 de l’UNISDR, la prise en compte réelle des risques liées aux catastrophes naturelles par les acteurs économiques, reste inexistante ou très embryonnaire… “Dans la plupart des grandes multinationales, la gestion des risques de catastrophe demeure centrée sur la planification de la continuité des activités. Les risques partagés ne sont pas encore pleinement considérés et peu de multinationales collaborent activement avec les autorités nationales et locales des pays où elles mènent leurs activités”, y lit-on . Quant aux PME, elles sont carrément “plus susceptibles d’ignorer les risques et de manquer de moyens pour gérer les risques de catastrophe”.
Quand les acteurs économiques ignorent les risques de catastrophe
En revanche, en dépit de nos conaissances, les exemples d’initiatives… à risques sont eux multiples. En voici quelques-uns:
-Depuis 1989, “7 à 11 % des nouveaux logements au Royaume-Uni ont été construits dans des zones présentant un risque élevé d’inondations”.
– “Plus de 50 stations d’une nouvelle ligne de métro de Delhi en Inde sont situées dans des zones sismiques importantes, et une station a également été construite dans une zone présentant un fort risque d’inondations. Les risques ont été réduits pour la ligne de métro proprement dite par l’application de codes de construction intégrant les risques. Toutefois, cela n’est pas nécessairement le cas pour les nouveaux développements immobiliers qui entourent les stations”.
– “En 2004, l’ouragan Ivan a engendré des pertes directes estimées à 900 millions de dollars à La Grenade, soit plus de deux fois le PIB du pays (…) Les infrastructures de l’île ont été endommagées à 70 % et la demande dans le secteur du tourisme a décliné durant plusieurs années. Malgré tout, dans les petits Etats insulaires en développement, les investissements continuent de se concentrer sur des zones très exposées aux aléas, notamment les plages ou les fronts de mer, qui sont plus rentables”.
– “Les grandes sociétés de l’agroalimentaire acquièrent des terres arables productives et investissent dans une agriculture commerciale axée sur les exportations, plus particulièrement en Afrique subsaharienne. (…) Par exemple, l’acquisition de plus de 2 millions d’hectares à Madagascar et de plus de 1 million d’hectares en Ethiopie a été confirmée”. Or, “l’agriculture est une composante importante du PIB” des pays concernés, où “l’insécurité alimentaire est élevée”. Flambées des prix aidant, cela constitue pour l’UNISDR “une menace encore plus importante pour la sécurité alimentaire des ménages à faibles revenus des zones rurales et urbaines que la sécheresse elle-même”.
– “Les gestionnaires de fonds de placement envisagent rarement les risques de catastrophes lorsqu’ils réalisent des investissements. La distance croissante qui sépare ces gestionnaires et les bénéficiaires signifie que ces derniers disposent d’une visibilité de plus en plus limitée sur la manière dont leurs portefeuilles d’investissement sont gérés, notamment sur la part exposée à des risques de catastrophe (…) Actuellement, environ 10 % des gestionnaires de fonds de placement mondiaux intègrent les questions environnementales, sociales et de gouvernance dans leurs processus d’investissement.”.
– “Les prévisions économiques et les informations nationales qui guident les investisseurs et les notations de crédit reposent sur des informations relatives à la qualité et à la disponibilité de la main-d’œuvre, l’accès à l’exportation, la stabilité politique et économique, et les incitations tels que les allègements fiscaux. Des informations concernant les risques de catastrophe ne sont généralement pas incluses, même pour les pays à haut risque. Par exemple, le rapport national 2012 de l’EIU (Economist Intelligence Unit, n.d.l.r.) pour l’Indonésie n’aborde tout simplement pas les risques de catastrophe,” lance le Bureau des Nations-Unies.
Le risque catastrophe: l’ “opportunité” d’un nouveau et gigantesque “marché”
Selon Ban Ki-Moon, les investisseurs ont en fait “trop longtemps privilégié la performance à court terme plutôt que la durabilité et la résilience. Il apparaît néanmoins aujourd’hui que réduire l’exposition d’un investissement aux risques de catastrophe ne représente pas un coût mais bien une opportunité de rendre celui-ci plus attractif à long terme”.
Identifier, estimer et intégrer le risque dans les stratégies d’investissement apparaît donc pour les entreprises, notamment celles du secteur privé (70 à 85% des investissements), comme de plus en plus “rentable”, sinon comme de plus en plus “capital” pour leur résilience économique. Par conséquent, pour les états, l’investissement dans la réduction des risques de catastrophe ainsi que dans l’atténuation et la limitation du changement climatique, constitue une “stratégie prometteuse” pour l’avenir.
L’UNISDR ajoute qu’“il est plus économique de réduire les risques extensifs (liés aux “petites” catastrophes récurrentes, n.d.l.r.) dont les pertes prévues sont faibles à moyennes (mais se répètent, n.d.l.r.) que de s’appuyer sur des stratégies de financement du risque. La gestion prospective des risques, qui intègre la réduction des risques à la planification des investissements, est quant à elle plus économique que l’approche consistant à corriger le niveau des risques une fois l’investissement réalisé. Sans une gestion prospective des risques, les pays ne peuvent maintenir ni leur compétitivité, ni les infrastructures nécessaires aux entreprises pour assurer leur propre compétitivité”, affirme le Bureau des Nations-Unies.
Au final, la réduction des risques deviendrait donc un gigantesque marché. “Par exemple, les investissements directs étrangers prévisionnels sont estimés à 1 900 milliards de dollars pour 2014. L’étude de ces investissements afin de prendre en compte les risques de catastrophe constitue clairement une énorme opportunité commerciale”, estime l’UNISDR. En y intègrant également tous les risques liés au bouleversement climatique en cours…? Chiche !
Ping : Catastrophes naturelles: 2 500 milliards de dol...
Ping : Catastrophes naturelles: 2 500 milliards de dol...
Ping : Catastrophes naturelles: 2 500 milliards de dol...
Ping : Catastrophes naturelles: 2 500 milliards de dol...
Ping : Catastrophes naturelles: 2 500 milliards de dol...