Alors qu’avec + 0,77°C par rapport à la moyenne 1951-1980, le mois de septembre a été selon le Goddard institute for space studies de la NASA, le plus chaud depuis 1880 -ce qui devient cette année une habitude plutôt très inquiétante– l’Agence américaine NOAA s’est mise en situation d’”avertissement El Nino” (El Nino watch): c’est le niveau précédant le stade de l’alerte El Nino.
Selon les prévisionnistes de l’Agence américaine NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), il y a deux chances sur trois que l’on connaissance un phénomène El NIno entre ce mois de novembre et janvier 2015. S’il a lieu, “cet El Nino restera probablement faible” d’après le centre de prédiction (bulletin du 9 octobre), avec des températures supérieures à la normale de 0,5 à 0,9°C dans la région Nino 3-4 pendant 3 mois au moins.
Si les scientifiques ont encore beaucoup à apprendre sur El Nino, on sait en revanche que ce phénomène cyclique qui se déclenche dans le Pacifique au niveau de l’équateur terrestre, est très révélateur des interactions agissant au sein de la machine Terre et même de la subtilité des liens qui unissent les courants marins, la salinité, la température de l’eau, celle de l’atmosphère, les vents, les basses et hautes pressions, et même l’apparition du plancton, base de la vie marine.
Pêche, culture, phénomènes extrêmes, réchauffement global… Des effets météorologiques régionales et planétaires lourds de conséquences
De manière générale, ce phénomène ENSO (El Nino Southerne Oscillation) alterne les périodes plus chaudes que la moyenne (phases El Nino), plus froides (phases La Nina) et neutres (autour plus ou moins de la moyenne). Pour caractériser ENSO, les scientifiques ont déterminé des régions le long de l’équateur terrestre dans le Pacifique: Nino 1, 2, 3 et 4. Ils s’appuient sur les températures de surface de la région 3-4, environ au milieu de l’océan, pour déterminer les différentes phases: quand ces températures s’écartent d’au moins 0,5°C de leur moyenne pendant 3 mois minimum, on rentre en phase El Nino (si l’écart est positif) ou La Nina (si l’écart est négatif). Entre les deux, on reste en phase neutre.
De manière plus concrète, un phénomène El Nino survient quand un réservoir d’eau de surface suffisamment chaude dans le Pacifique Ouest se conjugue à un simple affaiblissement des alizés (vents est-ouest) dans le Pacifique Est et à un vent d’ouest dans le Pacifique Ouest. Ces mouvements génèrent alors un réchauffement de la température des eaux de surface du Pacifique Est.
Alors qu’il pourrait sembler assez banal à la lecture, ce type de phénomène possède des effets météorologiques régionales et planétaires lourds de conséquences:
– Arrivée d’une eau plus chaude sur la côte pacifique de l’Amérique latine stoppant la remontée (upwelling) des courants profonds riches en nutriments, d’où arrêt de la formation de plancton, d’où chute des quantités de poissons pêchés et donc de l’activité des pêcheries (Equateur, Pérou, Chili…). C’est du reste ce qui a donné au phénomène le nom d’El Nino (traduction: l’Enfant Jésus), les pêcheurs péruviens ne prenant plus de poissons à cause de lui au moment de Noël.
– Convection atmosphérique accumulant l’énergie et renforçant les vents d’ouest d’un côté (Pacifique Est, de la Californie à l’Amérique du Sud), avec fortes pluies, inondations, glissements de terrain, et de l’autre (Pacifique Ouest, de l’Australie à l’Asie du Sud en passant par l’Indonésie et même éventuellement l’Inde) sécheresse propices aux incendies, pertes de récoltes, affaiblissements de mousson, etc.
– Croissance du risque de fragilité des prix de certaines denrées agricoles (cacao, café, canne à sucre, huile de palme…), c’est-à-dire la production de base de la zone tropicale.
– Mouvement ascendant de chaleur dans l’atmosphère, celle-ci s’exportant aux hautes latitudes des deux hémisphères, renforçant le phénomène de réchauffement global. C’est ainsi largement à cause d’un El Nino puissant que l’année 1998 s’est retrouvée nettement au dessus des années qui la précédaient en termes de fièvre du thermomètre planétaire, modérant ainsi la hausse moyenne généralisée de la température qui a suivi depuis le début du 21e siècle.
Un El Nino est considéré fort quand la température de surface de l’océan pacifique dépasse de plus de 1,5°C la moyenne dans la région Nino 3-4. Il est modéré quand cette surchauffe est comprise entre 1 et 1,5°C et faible quand elle est de 0,5°C à 1°C. En 1998, El Nino a été fort avec des températures dépassant la moyenne de plus de 2°C pendant environ 6 mois entre août et février. En 2009-2010, il a été plutôt modéré et a dépassé de plus de 1 °C la moyenne entre septembre et mars-avril. Depuis, c’est la Nina qui a pris le relais dès l’été 2010 et jusqu’au début 2012 exceptés quelques mois de 2011 classés neutres. A partir d’avril-mai 2012 et jusqu’à cet été compris, c’est une phase neutre qui prévaut. La force potentielle du phénomène El Nino envisagé pour cette fin 2014 a décru depuis le début de cette année: il est donc à ce jour donné pour faible cet hiver.
Printemps – été 2014: le semestre le plus chaud depuis plus d’un siècle
Cela n’empêche pas les moyennes mensuelles de multiplier les records depuis le printemps. Ainsi, le Goddard institute for space studies (GISS) de la NASA indique que ce mois de septembre est le mois de septembre le plus chaud depuis que l’on tient ce type de statistiques (1880), avec + 0,77°C par rapport à la moyenne 1951-1980. Septembre 2014 devance ainsi les mois de septembre 2005, 2013, 2012, 2009, 2003, 2002, 2007, 2008, 2006, 2010, jusqu’alors les 10 plus chauds pour le GISS. Après août, c’est le deuxième mois consécutif qui bat un tel record selon les chiffres de la NASA.
Depuis le début de l’année, les mois d’avril, mai, juin, août et septembre ont pour l’instant été déclarés comme les plus chauds depuis le début de l’ère du pétrole par le GISS ou/et par le centre de données de NOAA qui n’a pas encore rendu sa copie pour septembre… La NASA a dès à présent annoncé que les six derniers mois formaient le semestre le chaud depuis 1880.
Enfin, rappelons qu’il est envisagé que le réchauffement climatique aggrave les phénomènes de type El Nino. Selon une étude internationale IRD/CNRS/UPMC/MNHN, “l’un des effets du réchauffement global pourrait être un doublement de la fréquence des événements El Nino extrêmes au cours du 21e siècle.”