C’est désormais une certitude pour l’observatoire européen Copernicus: l’année 2024 va devenir l’année la plus chaude, au-delà de +1,5°C. À quand le dépassement définitif de cette barre, symbole de l’Accord de Paris sur le climat ?
Sans même attendre la fin de l’année, l’observatoire européen Copernicus le confirme en publiant ses données scientifiques du mois de novembre: devant établir un nouveau record après celui de 2023, 2024 sera la première année à dépasser la barre de +1,5°C de réchauffement planétaire par rapport à l’époque préindustrielle, c’est-à-dire l’objectif visé par l’Accord de Paris sur le climat, pour cause de catastrophes lourdement aggravées au-delà de cette limite. Fin novembre, l’anomalie de 2024 flirte avec + 1,6°C tandis que le record de 2023 s’est établi à +1,48°C contre +1,32°C en 2016. Il est donc tout à fait improbable que le mois de décembre puisse à lui seul faire baisser la moyenne annuelle de 0,12°C.
Un El Nino pourtant moins puissant qu’en 2015-16
Que 2024 dépasse 2023 n’est en soi pas vraiment une surprise du fait de la présence d’un épisode El Nino de la fin du printemps 2023 au printemps 2024. Ce phénomène naturel d’inversion de vents et de courants dans l’océan Pacifique équatorial, classiquement à cheval sur au moins deux années, a un effet « réchauffant » généralement plus marqué la seconde année, comme en 1997-98, 2009-10 ou 2015-16.
Ce qui a plus surpris les scientifiques, c’est la pulvérisation durant ces deux ans de précédents records mensuels, alors qu’El Nino s’est avéré moins puissant qu’en 2015-16. Par exemple, le record de température moyenne du mois de septembre établi en 2020 a été battu de l’ordre d’un demi degré en 2023. Une explication serait une baisse de l’albédo terrestre (pouvoir réfléchissant de la planète), notamment due à une moindre couverture nuageuse de basse altitude.
+1,62°C en novembre
2024 n’a pas été aussi spectaculaire mais s’est toujours maintenue vers au moins +1,5°C, avec un minimum à +1,48°C, en juillet, et des pics allant jusqu’à +1,77°C, en février, selon les estimations mensuelles de Copernicus. L’anomalie de la température globale du mois de novembre reste elle-même élevée: +1,62°C. Ce qui en fait le deuxième mois de novembre le plus chaud, derrière novembre 2023. Et cela bien qu’un léger phénomène La Nina (le contraire d’El Nino) soit maintenant attendu pour cet hiver. Même si un certain rafraîchissement a été enregistré du côté du Pacifique équatorial en novembre, les températures de surface de l’océan « sont restées exceptionnellement élevées dans de nombreuses régions », commente Copernicus.
Retour vers +1,4°C ?
Hypothèse optimiste: avec ce potentiel retour de La Nina, ou de conditions « neutres » comme actuellement, 2025 devrait ne pas battre le record 2024 si l’on se fie aux séries statistiques des années qui suivent les El Nino marqués. Dans des conditions similaires, 1999, 2011, 2017 ont été respectivement moins chaudes que 1998, 2010 et 2016.
La question est de savoir jusqu’à quel niveau l’anomalie de température pourrait redescendre. Le climatologue américain James Hansen, ancien du GISS (Goddard Institute of Space Studies) de la NASA, a estimé le potentiel à -0,2°C, soit un retour vers +1,4°C. Néanmoins, le phénomène La Nina actuellement envisagé, est faible et ne devrait durer que jusqu’au début du printemps 2025, selon l’agence américaine NOAA (national Oceanic and Atmospheric Administration). Pour la suite, une situation « neutre » est à ce stade prévue.
2025, déjà envisagée dans le Top 3 des années les plus chaudes
Par comparaison, à la suite du super El Nino de 2015-2016, l’anomalie de température moyenne annuelle s’est au maximum réduite de 0,17°C (en 2018), après deux phénomènes La Nina. Un an après le léger El Nino de 2018-2019, la température moyenne annuelle a même établi un pic en 2020, en dépit de La Nina. Ces conditions La Nina se sont poursuivies durant plus de deux ans. La température annuelle la plus basse à été enregistrée en 2021, avec -0,13°C par rapport à 2019, et -0,16°C par rapport à 2020, toujours selon les statistiques de Copernicus.
Conséquence: même si la température moyenne terrestre 2025 pourra être moins élevée qu’en 2024, cette nouvelle année n’en sera pas moins l’une des plus chaudes. L’agence britannique Met Office prévoit du reste déjà qu’elle sera « probablement » dans le Top 3 avec 2023 et 2024, devant donc 2016 et 2020.
Il a fallu 7 ans pour battre le record de 1998, 5 ans pour éliminer celui de 2010 et 4 ans pour égaler celui de 2016. L’anomalie annuelle de réchauffement de +1°C a été atteinte pour la première fois en 2010 et définitivement dépassée en 2015. Et pour la barre de +1,5°C donc ? Au rythme d’un réchauffement planétaire de l’ordre de 0,32°C par décennie depuis 2010, selon l’estimation de James Hansen, ce devrait être le cas avant 2030. La maison Terre et l’Accord de Paris brûlent, et beaucoup regardent encore ailleurs… Tandis que d’autres réfléchissent maintenant à « refroidir » à moindre coût la planète en polluant la stratosphère.
Très bon résumé. Sans doute aussi que la diminution des nuages de basse altitude a joué un rôle. https://global-climat.com/2024/12/08/la-disparition-des-nuages/
Merci. Oui, c’est ce qu’envisagent des scientifiques. Précision ajoutée. James Hansen évoque pour sa part la baisse de la pollution atmosphérique pour expliquer l’accélération actuelle. Une question est de savoir à quel point tout cela est lié. L’interaction entre le réchauffement lui-même et la formation des nuages bas est également citée.
Cette explication n’est pas nouvelle. Je mets ici un article publié sur ce blog en 2014:
http://dr-petrole-mr-carbone.com/quand-le-rechauffement-asseche-les-nuages-bas/
Dans tous les cas, une baisse de l’albédo terrestre est malheureusement une puissante rétroaction positive du système climatique.