Rénover les logements, organiser la filière bois, développer les pompes à chaleur, trier plus et mieux, se lancer dans la méthanisation, généraliser les pratiques agricoles les plus sobres en méthane, favoriser l’efficacité énergétique des exploitations agricoles, augmenter fortement la production de légumineuses, développer la voiture consommant 2 litres/100 km, expérimenter des modèles agricoles innovants… Telles sont des actions devant permettre selon The Shift Project, de « décarboner » nos consommations principales : « se nourrir », « se loger », « se déplacer ». Avec des dizaines de milliers d’emplois à la clé.
Un peu à l’instar de la stratégie globale de « décarbonation » mise en place par le « Carbon Mitigation Initiative » de Robert Socolow à l’Université de Princetown, The Shift Project (Traductio littérale: Le Projet de Changement) le Think Tank -ou plutôt le « réservoir d’action »- créé par le spécialiste énergie-climat Jean-Marc Jancovici, a mis en place une « cartographie de la transition carbone ». Devant être publié en ce début d’année et se voulant (dans le contexte actuel du débat sur la transition énergétique et de la mise en place de la Banque publique d’investissement ) un outil pratique d’aide à la décision, cette approche propose une lecture originale de la « transition » : plutôt que de résonner en ciblant l’offre possible en « technologies vertes », elle base sa réflexion sur les trois postes fondamentaux de notre consommation : se nourrir, se loger, se déplacer. L’idée est de balayer un « éventail d’actions » permettant de « décarboner » ces postes de consommation, et donc « d’assurer une plus grande robustesse aux filières économiques qui les alimentent, tout en préservant le pouvoir d’achat des ménages ».
En complément, les auteurs apportent une vision « territoriale » de la transition, estimant qu’il est « urgent de dynamiser et de valoriser nos territoires en débloquant leur potentiel productif en énergies et en ressources », notamment à travers la filière bois, la méthanisation et les déchets. On notera l’absence des gaz de schiste, par définition inaptes à « décarboner » une économie, mais aussi de l’éolien et du photovoltaïque.
Une économie annuelle de 15 millions de tonnes équivalent pétrole
Ayant choisi 16 actions pour leur « fort impact potentiel », les chercheurs chiffrent à 15 milliards annuels pendant 5 ans les premiers investissements nécessaires. En retour, ils estiment à 90 000 le nombre d’emplois créés pendant cette phase d’investissement (puis ensuite 250 000 emplois non « délocalisables »), à 7 milliards d’euros par an la réduction de la facture énergétique, à 1 milliard d’euros par an l’amélioration de la balance commerciale, à 65 millions de tonnes équivalent CO2 la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à 15 millions de tonnes équivalent pétrole la consommation d’énergie fossile évitée.
Mais quelles sont donc ces actions préconisées ? Quels sont leurs potentiels en terme d’économies d’émissions de gaz à effet de serre et de consommation d’énergie fossile ? Arrive en tête, et ce n’est pas une surprise, l’organisation et le financement d’une rénovation thermique des logements qui éviterait tous les ans, l’envoi dans l’atmosphère de 30 millions de tonnes équivalent CO2 de gaz à effet de serre, et la consommation de 8 millions de tonnes équivalent pétrole.
Organisation de la filière bois : 17,4 millions de tonnes équivalent CO2 en moins chaque année
Suit en deuxième place, « l’organisation de la filière bois » de manière à ce qu’elle puisse répondre à une demande variée, ce qui n’est actuellement pas le cas. Pour The Shift Project, l’enjeu est d’éviter chaque année les émissions de 17,4 millions de tonnes équivalent CO2 de gaz à effet de serre, et la consommation de 4,4 millions de tonnes équivalent pétrole. Ce second point sera sans doute une « surprise » pour bon nombre… D’autant plus que les filières éoliennes et photovoltaïques, plus « médiatisées » que la biomasse, n’apparaissent donc pas ici.
Ce n’est pas tout. « Optimiser le tri » pourrait éviter 6 millions de tonnes d’émission de gaz à effet de serre et 1,2 million de tonnes de consommation de pétrole. « Accélérer le développement du parc installé de pompes à chaleur » en soutenant la filière française, procurerait pour sa part un gain annuel de 4 millions de tonnes équivalent CO2 et de 1 million de tonnes équivalent pétrole. La voiture à 2l au 100 km promise par le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault serait elle synonyme de 2,2 millions de tonnes équivalent CO 2 et de 700 000 tonnes équivalent pétrole gagnées.
160 000 emplois dans l’expérimentation agricole, 80 000 dans la filière « bois »…
Suivrait la méthanisation avec 1,9 million de tonnes équivalent CO2 et 1 million de tonnes équivalent pétrole économisées. Beau débouché donc, en particulier pour l’agriculture dont l’importance sera sans doute une autre –« fausse »- surprise. En effet, « généraliser les pratiques d’alimentation animale limitant les émissions de méthane dans l’élevage », permettrait selon The ShiftProject de réduire de 8,7 millions de tonnes équivalent CO2 nos émissions annuelles. « Augmenter fortement notre production de légumineuses » nous ferait en plus faire des économies annuelles de 1,8 millions de tonnes équivalent CO2 et de 150 000 tonnes équivalent pétrole. « Favoriser l’efficacité énergétique des exploitations agricoles » serait également significatif avec 1,4 millions de tonnes équivalent CO2 non émises et 400 000 tonnes équivalent pétrole non consommées…
Enfin, l’expérimentation de modèles innovants (permaculture, agriculture urbaine…) ferait économiser 400 000 tonnes équivalent CO2 et 140 000 tonnes équivalent pétrole. Surtout, ce secteur fournirait à lui seul 160 000 emplois directs, soit plus que le bâtiment (100 000 dont 30 000 indirects), la filière « bois » (80 000), le tri (15 500)…
Documents de The Shift Project