6- Des pistes pour la révolution de la durabilité

Ne sommes-nous pas actuellement dans la situation inverse de Stéphane Hessel pendant la 2ème guère mondiale? Nous devons en effet résister avant que les difficultés en tout genre ne se multiplient et ne deviennent insupportables. Pour résumer, avant que la guerre ne nous envahisse partout. La guerre pour le pétrole. La guerre pour l’eau. La guerre pour manger. La guerre pour « l’espace vital » des uns ou des autres. La guerre contre la colère de la Terre. Après, il sera trop tard. En fait, nous sommes déjà en guerre, mais nous ne le savons pas. Ou nous ne voulons pas encore le savoir.

Comme les cyclones aux Etats-Unis, l’enchaînement de péripéties catastrophiques au Japon -qui démontre au passage que la réalité environnementale est bien supérieure à la réalité économique- est une illustration de la puissance de la machine terrestre face à nos activités : tremblement de terre puis tsunami entraînant explosions et émissions de nuages radioactifs dans les centrales nucléaires…

Mauvaise ironie du sort, le Japon, zone sismique, est également une région riche en hydrate de méthane, sorte de bulles de gaz pris au piège dans de la glace mais qu’un réchauffement de l’océan est en mesure de destabiliser. Il s’agit en fait d’une autre sorte de bombe écologique qui peut provoquer glissement de terrain, tsunami… Des réactions catastrophiques en chaîne peuvent également prendre forme avec le cocktail « tempête – pluies diluviennes – inondations ». Ou encore avec la recette « sécheresse – canicules – rivières asséchées ».

La crise économique actuelle ne doit donc surtout pas mettre au placard la lutte contre la surcharge de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et l’épuisement de nos ressources. Car la solution à cette « crise » se trouve justement dans cette lutte commune.

Si les citoyens réclament que les financiers, les économistes, les chercheurs mettent des cadres bien définis à leurs activités, afin que celles-ci s’exercent dans le monde réel -c’est-à-dire un monde fini, possédant lui-même des limites très claires, formées par ses stocks de ressources naturelles et énergétiques- alors l’intelligence de l’économiste, du chercheur, de tous, sera suffisante pour trouver les outils adaptés à la mise en place d’un système viable adapté à cette « nouvelle » donne.

Stéphane Hessel, encore lui, raconte comment il a été étonné par l’ingéniosité des hommes dans une bande de Gaza exsangue. Il est également possible de trouver des enfants qui s’amusent dans des pays en guerre. Vivre des moments difficiles n’empêche pas de connaître une forme de bonheur. Vivre dans l’opulence n’empêche pas la multiplication de la misère.

Quels pourraient être ces cadres définissant l’activité des financiers, économistes, chercheurs… ? Là encore, nous pouvons nous inspirer du Conseil national de la résistance cher à Hessel. Que disait le CNR pour assurer la paix, éviter le retour du fascisme, orienter le développement de l’homme dans un sens initialement déterminé ? Ceci : « L’intérêt général doit primer sur l’intérêt particulier, le juste partage des richesses créées par le monde du travail primer sur le pouvoir de l’argent. » … Aujourd’hui, l’intérêt général, c’est la pérennité de la planète et la survie de chacun en son sein.

Et le Conseil national de la résistance demandait:

-« Le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergies, des richesses du sous-sol, des compagnie d’assurance et des grandes banques. »

-« Une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des états fascistes ».

-« Un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont capables de se les procurer par le travail ; une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

A la lumière de notre situation et de celle de la planète, et en donnant à la notion de « nationalisation » la notion de « mise en commun », ces propositions s’avèrent d’une grande modernité pour protéger la paix et redéfinir le système économique.

Ne permettraient-elles pas la mise en place d’un Etat capable d’impulser une véritable politique de développement des activités aptes à nous faire passer à l’après-pétrole et à une société énergétiquement sobre? Ne permettraient-elles pas également d’étalonner les monnaies sur la richesse des pays en matières premières et en biodiversité? de jauger la croissance selon le progrès du bien-être des hommes peuplant un pays? d’établir une fiscalité créatrice d’emplois -en ne taxant plus le travail humain mais en taxant les émissions de carbone et les transactions financières? Ne permettraient-elles pas, enfin, de centrer l’activité humaine non plus sur le désir de possession et de puissance, mais sur ce qui nous apporte en fait le plus de statisfactions: la culture, le plaisir, les arts ?

Remarquez que ces pistes de réflexion, bien qu’issues du constat que la situation de la planète et de l’humanité est critique- n’offrent pas une perspective désespérée. Simplement parce qu’elles affrontent la réalité en face et offrent à tous les êtres humains un but commun : vivre sur une Terre pérenne. Au contraire, le désespoir, le chaos, la dictature finiront par surgir si l’on ne regarde pas le problème dans les yeux.

Ces pistes pourraient-elles nourrir et être enrichies par quelques partis politiques, progressistes, écologistes ou non, actuellement en mal d’émancipation face à notre système économique devenu fou et face à la dictature de la croissance du PIB ? Si l’indignation et la volonté citoyenne est suffisante, cela ne fait aucun doute. A un pays des droits de l’homme comme la France, de montrer l’exemple pour retrouver sa grandeur… en commençant par répondre à cette question : guidant notre monde, l’actuel système financier et économique est-il capable de se réformer lui-même ? A en croire ces dernières années, la réponse est négative. S’il ne se réforme pas lui-même ou si on ne l’aide pas à le faire, ce système qui n’est en rien durable s’effondrera forcément, avant le crack écologique. La question est de savoir si on désire vraiment passer par cette étape.

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