Employés en remplacement des CFC et autres HCFC qui détruisent la « couche » d’ozone, les HCF sont néanmoins de puissants gaz à effet de serre. Dans un pays comme la France, leurs émissions ont augmenté de plus de 1300% en masse depuis 1990 et représentent désormais 4% des émissions nationales. Au niveau mondial, la programmation de leur élimination doit faire l’objet de travaux en 2016, dans le cadre du Protocole de Montréal…
Dans la famille des gaz à effet de serre, il y a les gaz que nous pouvons nous-mêmes émettre par nos activités et que l’on trouve également dans la nature. Il s’agit du dioxyde de carbone (CO2), du méthane (CH4) ou encore du protoxyde d’azote (N2O). Mais il y a aussi des gaz qui sont de pures créations humaines. C’est notamment le cas des halocarbures ou hydrocarbures halogénées, à savoir des composés dont les molécules possèdent au moins un atome d’halogène. Parmi ces gaz de synthèse, on trouve en particulier les hydrofluorocarbures, ou HFC, qui sont des gaz fluorés composés de carbone, d’hydrogène et de fluor. Ils ont connu le succès avec la problématique du “trou” de la “couche” d’ozone. En effet, l’industrie a commencé à les utiliser à partir des années 90, une fois que le Protocole de Montréal a interdit les CFC, alias les cholorofluorocarbures, autres halocarbures qui ont entre autre la particularité de détruire avec leur chlore cet ozone troposphérique qui nous protège des ultra-violets du soleil.
Utilisé dans les systèmes de réfrigération et de climatisation, le HFC-134a possède un potentiel de réchauffement global à 20 ans supérieur à 3700 fois celui du CO2
La consommation de HFC a alors fortement augmenté, boosté également par le développement des fluides frigorigènes: climatisation automobile, froid commercial… A partir de 2000, les HFC vont connaître un autre boom comme agent propulseur de certaines mousses, en remplacement notamment des hydrochlrofluorocarbures, HCFC, des halocarbures également pointés par le Protocole de Montréal comme nocifs pour la “couche” d’ozone. Les HFC peuvent également prendre la place de perfluorocarbures ou PFC, encore des halocarbures dont certains éléments sont, eux, soupçonnés d’être par exemple des perturbateurs endocriniens…
Manque de chance, comme tous les membres de la grande famille des halocarbures, les HFC sont de puissants gaz à effet de serre même s’ils restent généralement bien moins longtemps que leurs congénères dans l’atmosphère et même s’ils ne s’en prennent pas à la “couche” d’ozone. Le plus important aujourd’hui en termes de potentiel de réchauffement, le HFC-134a, est utilisé dans les systèmes de réfrigération et de climatisation. Il possède un potentiel de réchauffement global (PRG) à 20 ans, supérieur à 3700 fois celui du CO2 (1). Une fois émis, ce gaz fluoré reste environ 13 ans dans l’atmosphère.
Les émissions françaises de HFC en 2013 sont équivalentes à l’émission de 19,7 millions de tonnes de CO2, soit 4% des émissions des émissions nationales
Dans son cinquième et dernier rapport datant de 2013-2014, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) souligne que le forçage radiatif (2) dû aux HFC -0,02 watt/M2- a doublé depuis le rapport précédent (2007). Certes, dira-t-on, 0,02 w/M2 par rapport à environ 0,25 W/M2 pour les CFC, c’est encore modeste. Cependant, puisque l’on n’est plus censé utiliser de CFC, les émissions d’HFC sont, elles, devenues très importantes.
Un seul exemple: en France, ces émissions ont augmenté de 1325 % en masse (3) entre 1990 et 2013 selon le dernier rapport d’inventaire transmis aux Nations-Unies, ce qui donne 9386 tonnes pour 2013. Cela peut encore paraître modeste, mais quand on prend en compte le potentiel de réchauffement surpuissant des HFC, de telles émissions sont équivalentes à 19,7 millions de tonnes équivalent CO2, soit 4% des émissions nationales (4). Cela équivaut à plus de la moitié des émissions françaises dues aux rots des bovins… ou encore à près de la moitié des émissions hexagonales de protoxyde d’azote. Les HFC forment ainsi aujourd’hui la 4ème source d’émission de gaz à effet de serre de la France, derrière le CO2, le méthane et le protoxyde d’azote.
En 2013, 79% des émissions françaises de HFC proviennent du secteur climatisation/réfrigération selon le CITEPA (5). Les 21% restants se répartissent notamment entre les aérosols pour 42%, les mousses isolantes 14%, les solvants, les équipements électriques, les extincteurs, etc. En termes de niveau d’émission, la catégorie “Air conditionné et réfrigération” est la 7ème catégorie clé des émissions françaises (3,4% des émissions) et la 3ème pour sa contribution à l’évolution des émissions (8,6%), derrière le CO2 du transport routier et le CO2 de la combustion du gaz dans le résidentiel.
L’arrêt des émissions de HFC aurait, tout comme une baisse radicale des émissions de méthane (réduction du cheptel bovin), un impact relativement rapide sur le réchauffement global
Lors de leur dernière réunion, début novembre à Dubaï, les parties au protocole de Montréal ont envisagé de travailler en 2016 sur une élimination progressive des HFC, comme l’a rappelé le président américain Barack Obama, lors de son allocution d’ouverture de la COP21 (6). En fait, une telle limitation est au menu des négociations internationales depuis 2009. Argument des pays qui résistent, à l’image des pays du Golfe Persique: c’est la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC, organisant la COP21) qui doit s’occuper de cette affaire (7), pas le Protocole de Montréal, s’occupant des gaz nocifs pour la couche d’ozone…
Vu la durée de vie relativement modéré des HFC, l’arrêt de leurs émissions aurait, tout comme une baisse radicale des émissions de méthane (réduction du cheptel bovin), un impact relativement rapide sur le réchauffement global. Les fluides non halogénés -c’est-à-dire “naturels”- qui pourraient être envisagés en remplacement des HFC utilisent de l’ammoniac, du CO2. Mais ces fluides sont souvent plus ou moins inflammables et peuvent donc s’avérer complexes à mettre en place, en particulier dans les pays chauds…
(1) Le potentiel de réchauffement global (PRG) d’un gaz à effet de serre est donné par rapport à celui du CO2, égal à 1 par convention. Il est donné soit pour une période de 20 ans, soit pour une période de 100 ans. Le PRG du HFC-134-a est de 3790 fois à 20 ans et de 1550 fois à 100 ans celui du CO2, selon le dernier rapport du GIEC.
(2) Forçage radiatif: variation de l’énergie transmise au système climatique de la Terre
(3) + 348% en termes de potentiel de réchauffement global (PRG), car les HFC d’aujourd’hui sont tout de même moins puissants que ceux qui étaient utilisés dans les années 90.
(4) avec une marge d’erreur de 28%.
(5) Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique.
(6) 21ème Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques.
(7) Le Protocole de Kyoto, issu de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques, tient compte des HFC.
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