Taxer l’énergie pour détaxer le travail: c’est le principe défendu par les experts climat – énergie pour faire émerger une dynamique de “décarbonation” de notre société. C’est maintenant la promesse de François Hollande. Bien joué ! Mais à concrétiser…
Au-delà des relations PS – Verts, le Président de la République aurait-il fait siennes les solutions émises, dont certaines depuis des années, par les experts climat-énergie ? Est-on en train de vivre le « déclic » tant attendu ? En tout cas, François Hollande s’est posé, à l’occasion de l’ouverture de la 2ème conférence environnementale du gouvernement, en chantre de la lutte contre le réchauffement, lui qui accueillera en 2015 à Paris une conférence climat déjà historique (COP 21), avec pour objectif un pacte mondial “contraignant” de réduction des émissions de gaz à effet de serre, pour tous les pays… histoire de pouvoir encore espérer “limiter l’augmentation de température à 2°C à l’horizon 2100” par rapport à 1990. Ce qui, vu le retard pris depuis les précédentes conférences, devient jour après jour de plus en plus difficile.
Ayant indiqué avoir eu l’occasion de se procurer quelques “bonnes feuilles” du rapport sur la réalité du changement climatique que dévoilera fin septembre à Stockholm, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, 5ème rapport, partie I, les bases scientifiques), le Président n’a pas caché la crainte des scientifiques de voir la planète connaître, “avant la fin du siècle, une augmentation moyenne de 3°C, voire de 4°c”… Ce qui est peu ou prou comparable avec ce qui nous sépare de la dernière glaciation. La différence, c’est toujours utile à répéter, c’était moins un écart de température de quelques degrés qu’un différentiel d’une centaime de mètres du niveau de la mer et un ou deux kilomètres de glace couvrant New-York, les îles britanniques, le nord de l’Europe…
La promesse d’une politique énergétique et climatique en Europe
Le réchauffement, ce n’est ainsi pas une supposition, “c’est une certitude”, a ainsi rappelé François Hollande. “A-t-on bien mesuré l’impact? A-t-on bien évalué les conséquences ?” s’est-il demandé, évoquant notamment les effets en terme de “flux migratoire”, de “partage des richesses” ou encore de “conditions de maintien de la paix”. Pour lui, il faut donc “savoir où nous voulons aller”.
Outre les négociations internationales, François Hollande a annoncé qu’il allait plaider pour la mise en place d’“une politique énergétique et climatique en Europe”, avec des objectifs ambitieux: diminution de 40% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990, création d’une “communauté européenne de l’énergie”, restauration d’un marché carbone “digne de ce nom”, taxe carbone aux frontières…
“Calculer le montant des taxes sur les produits énergétiques en fonction de leur teneur en carbone”
Au niveau français, le Président prévoit l’adoption de la loi de programmation sur la transition énergétique d’ici fin 2014. Devant “prendre des décisions aujourd’hui pour les décennies à venir”, cette loi sera “l’un des textes les plus importants du quinquenat” a-t-il reconnu. Avant cela, François Hollande promet d’introduire “une assiette carbone dans le projet de loi de finances 2014”. Qualifiant cette mesure d’”acte politique fort”, il précise que cela consiste à “calculer une partie du montant des taxes sur les produits énergétiques en fonction de leur teneur en carbone”. Selon lui, il ne s’agit d’une taxe supplémentaire mais bien d’une “nouvelle fiscalité” allant de pair avec une “baisse des prélèvements sur le travail”. C’est en fait ce que préconisent depuis des années des spécialistes énergie-climat afin que notre société puisse basculer dans une dynamique de “décarbonation”. François Hollande s’est également prononcé pour un ré-examen tous les 5 ans de la trajectoire et du rythme de la transition énergétique. Pour les experts énergie-climat, la taxe carbone doit progresser régulièrement afin d’être efficace.
« 500 000 logements anciens rénovés tous les ans d’ici 2017 »
S’inscrivant sur le long terme (baisse de 30% de la consommation d’énergie fossile d’ici 2030, réduction de 50% de l’énergie finale consommée à l’horizon 2050… « si l’on veut atteindre le fameux facteur 4 » des experts climat – énergie) mais tout en indiquant désirer agir sans attendre, François Hollande compte en particulier sur les améliorations de l’efficacité énergétique pour décarboner et atteindre les buts fixés. Et de multiplier les promesses: plan massif de rénovation de l’ancien (500 000 logements par an d’ici 2017), et dès 2014 baisse à 5% de la TVA sur l’isolation (au lieu de 10%), recentrage du prêt à taux zéro sur les dépenses de rénovation (avec prime), mise en place d’un fonds de garantie avec la Caisse des dépôts et consignation (CDC) pour permettre aux ménages d’emprunter pour rénover (à des taux équivalents à ceux de l’immobilier), création de 2000 emplois d’avenir pour le conseil à la rénovation thermique…
Outre un nécessaire mouvement de formation professionelle et l’effet des progrès technologiques (remplacement des 35 millions de compteurs électriques par des machines “intelligentes” d’ici 2020), François Hollande n’a pas caché que l’efficacité énergétique passe en plus par des “normes réglementaires”, par la rénovation des documents d’urbanisme, par des aménagements urbains plus denses (pour limiter les besoins de mobilité), par le développement de transport alternatif à la route (réseau ferré)…
« 20 milliards d’euros d’investissements » pour la transition énergétique
Du côté des voitures, les véhicules consommant 2 litres aux 100 kilomètres doivent devenir une réalité à l’horizon 2018 pour tous les constructeurs engagés, selon le Président qui promet que nous serons “correctement équipés” en bornes de recharge pour véhicule électrique d’ici 2015 et que l’Etat montrera l’exemple en terme d’achat.
Evoquant par ailleurs le développement de la filière “bois”, François Hollande envisage toujours allier transition énergétique et diminution simultanée de la part du nucléaire dans le mix français (-50% d’ici 2025). Son “plan de développement des énergies renouvelables” passe par un “cadre réglementaire stable” et “un cadre fiscal clair”. “Toutes les sources doivent être sollicités”, a-t-il indiqué en promettant de “revisiter les modes d’aides” aux EnR.
Au total, François Hollande estime à 20 milliards d’euros tout confondu les investissements nécessaires à la transition énergétique, avec bien sûr pour outil la Banque publique d’investissement et pour prochain rendez-vous une “conférence bancaire et financière de la transition énergétique”, au printemps. La finance retrouvera-t-elle alors une vision à long terme de l’économie ?
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