Alors que leurs activités sont précisément à l’origine de l’actuel réchauffement global à la surface de la planète, des pétroliers, gaziers et charbonniers, ont pu s’inviter à la table des négociations internationales contre le changement climatique, à Varsovie…
Après le sommet sur le climat de 2012 (COP 18, Doha) (*) qui avait pris place dans l’un des royaumes du gaz -le Quatar- le sommet 2013 (COP 19) a été accueilli à Varsovie, en Pologne, grand pays du charbon et accessoirement promoteur affiché du gaz et des huiles de schiste.
Durant cette conférence internationale placée sous l’égide de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Pologne a même organisé le Sommet international du charbon et du climat… Ce qui a notamment permis à l’« Association mondiale du charbon » d’inciter tous les pays du globe à utiliser encore plus les technologies de son secteur… Car le charbon « pourra » lui aussi « un jour » être qualifié de « propre », grâce à de meilleurs rendements, à la captation et au stockage du CO2… On entend la même chose du côté du pétrole ainsi que du méthane, alias le gaz qualifié de « naturel ». Reste que, dans les faits, ce genre d’appel revient toujours in fine à conseiller d’émettre dès maintenant encore plus de CO2 et autres polluants…
Sponsors du sommet polonais sur le climat : Emirates Airlines, Lotos, ArcelorMittal, PGE, Alstom, BMW, General Motors…
La conférence onusienne a en plus choisi cette année de drôles de nouveaux « partenaires » et « sponsors », issus largement de secteurs jusqu’à présent spécialisés dans les émissions de gaz à effet de serre et même engagés contre leur réduction : la sidérurgie avec l’Indien ArcelorMittal, le trafic aérien avec le Dubaïote Emirates Airlines, l’industrie automobile avec l’Allemand BMW et l’Américain General Motors (Opel), le pétrole et le gaz de schiste avec le Polonais Grupa Lotos SA, le charbon avec le Français Alstom qui veut construire une centrale géante en Pologne ainsi que l’électricien polonais PGE qui possède l’actuelle centrale la plus polluante d’Europe en terme de CO2… Parallèlement, voilà l’Australie -l’un des premiers producteurs de charbon- qui affaiblit sa lutte contre les changements climatiques, le Japon qui (à la suite de l’accident de Fukushima) renonce à son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour développer des centrales à charbon, ou encore la Pologne et l’Allemagne qui se complaisent dans la houille… Sans oublier les ONG qui, devant une telle “farce”, ont claqué la porte du sommet, ce qui constitue une première.
Les nouveaux « partenaires » privés ayant trouvé place à la COP 19 de Varsovie pourraient en fait avoir beaucoup à perdre avec une mise en place réelle d’ici deux ans, à Paris (COP21) et à échéance 2020, d’un accord mondial contraignant en vue de la réduction globale des émissions de gaz à effet de serre -accord en revanche officiellement souhaité par les négociateurs de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. En effet, avec un objectif planétaire de limitation du réchauffement global à 2°C (c’est-à-dire un objectif de chute rapide des émissions de gaz à effet de serre, sous peine de désastres), les actions sérieuses à mettre en place imposent par la force des choses une réduction drastique de l’utilisation des énergies fossiles, notamment du charbon.
Or, mandaté pour conseiller le gouvernement français dans la préparation de la conférence-climat de Paris 2015, l’Iddri (Institut pour le développement durable et les relations internationales) note que si à Varsovie on a dû passer du terme d’ « engagement » à celui de « contribution » contre le changement climatique, bien moins fort et impliquant, les pays émergeants importants (Chine, Inde) se montrent « prêts pour un nouvel accord ». En permettant l’abandon, dans le texte final, des références à une distinction « pays développés – pays en développement » (qui les préservait jusqu’alors de responsabilité dans le réchauffement climatique), la Chine et l’Inde ne servent en revanche pas forcément les intérêts des plus petits pays en développement. Selon l’Iddri, voilà une occasion pour les pays développés de reconstruire des alliances, en commençant par respecter les promesses déjà faites (100 milliards de dollars d’ici 2020 pour aider les pays du Sud à faire face au changement climatique), et en faisant des propositions attractives en terme de financement et de responsabilité.
Les « contributions » de chaque pays contre le réchauffement climatique sont attendues bien avant le sommet de décembre à Paris
D’après l’accord de Varsovie, un accord mondial légalement contraignant reste donc toujours d’actualité, même si les obstacles s’annoncent importants. Les pays devront faire part de leurs « contributions » pour la lutte contre le changement climatique bien en amont du sommet de Paris, prévu en décembre 2015. L’échéance donnée est le 1er trimestre 2015… pour ceux qui seront « en mesure de le faire », sans plus de détail sur le calendrier. Sur le papier, il est donc assez facile d’y échapper. En pratique, l’Iddri note que les Etats-Unis n’auront guère de possibilité après l’hiver 2015, pour cause de primaires à la présidentielle 2016, et que si l’Europe est également à l’heure, les autres pays devraient alors s’y mettre.
D’autres sources de pression pourraient exister : celles de citoyens prenant acte de l’urgence de la situation, des difficultés récurrentes sinon de l’indigence des négociations internationales malgré une débauche de gaz à effet de serre (déplacements en avion), ou encore des efforts eux aussi récurrents pour perpétuer un système dépendant des énergies fossiles, pour le bénéfice financier de quelques-uns, mais au détriment de l’avenir de l’humanité tout entière. Ces citoyens peuvent se retrouver à la fois au sein des ONG qui indiquent vouloir maintenant faire pression sur chaque gouvernement, et également au sein d’instances locales (communes, villes…) dont le rôle actif est de plus en plus signalé, y compris au niveau des conférences annuelles sur le climat.
Prochaine grande étape avant le sommet de Paris pour les négociateurs internationaux: fin 2014, à Lima, Pérou… Un pays où, pourtant, l’actuelle course frénétique à l’exploitation du pétrole et du gaz chasse et tue les indiens d’Amazonie... Etonnant, non ?
* – COP : Conférence des parties. Chaque année, les pays qui ont ratifié la Convention de Rio sur le climat en 1992, se réunissent en “Conférence des parties”. Ces COP sont numérotées au fil des ans. La COP 20 aura lieu à Lima (Pérou) fin 2014, la suivante à Paris, fin 2015.
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