Le climatogue Jean Jouzel a commenté au Sommet mondial des maires sur le changement climatique, à Nantes, le 5e rapport du GIEC dont il est le vice-président. Un rapport très “clair”: si, comme ils l’ont promis, les chefs d’états de la Terre veulent limiter à 2°C le réchauffement global, alors nous devrons “diviser par 3” les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2050. Sinon…
24 heures après la publication de la 1ère partie du 5ème rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) à Stockholm, le vice-président du GIEC Jean Jouzel était à Nantes où il a présenté les nouvelles conclusions des scientifiques devant des maires venus du monde entier. Ces femmes et hommes politiques étaient réunis à l’occasion du Sommet mondial des maires sur le changement climatique, sommet faisant lui même suite au Sommet mondial de la ville durable Ecocity, organisée durant trois jours dans la cité nantaise, Capitale verte de l’Europe pour 2013. Leur objectif: réduire justement les émissions de gaz à effet de serre de leurs villes, déclaration officielle à la clé.
Le réchauffement est “pour une très large partie lié à l’énergie”
Evoquant la “clarté” de ce 5ème rapport et son message “encore plus fort” que celui du 4ème rapport en 2007, Jean Jouzel a souligné que les scientifiques mettaient en évidence plusieurs faits désormais acquis, tordant ainsi de fait le cou aux réactions sceptiques: “Le réchauffement est sans équivoque” (+0,85°C environ depuis 1880) et “l’influence humaine est claire”, a annoncé le vice-président du GIEC. Ce réchauffement est “pour une très large partie lié à l’énergie”, a-t-il poursuivi, la hausse de température étant bien due à la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
L’augmentation du niveau de la mer revue à la hausse
Parmi les conséquences du réchauffement, le GIEC a notamment revu à la hausse l’augmentation du niveau de la mer, dont les valeurs extrêmes tutoient maintenant le mètre à l’horizon 2100 (20-60 cm dans le précédent rapport). Jean Jouzel a précisé que cette révision a été possible grâce à une meilleure prise en compte de la fonte des glaciers.
4 scénarios qui fixent les efforts à faire en terme d’émissions de gaz à effet de serre
Surtout, le glaciologue français a expliqué la nouvelle logique qui irrigue le coeur de ce 5e rapport. “Nous avons changé d’approche”, a-t-il indiqué. En effet, dans ses précédents travaux, le GIEC demandait aux économistes d’établir des scénarios à partir desquels on aboutissait à une agmentation de température plus ou moins forte à l’horizon 2100.
Dans leur 5e rapport, les experts ont déterminé, et c’est la grande nouveauté, quatre scénarios qui fixent les efforts mondiaux à faire en terme de concentration de gaz à effet de serre dans l’atmopshère, pour aboutir à telle ou telle fourchette d’augmentation de température aux horizons 2050 et 2100. Cela pourrait donc aboutir à une sorte de quota mondial d’émission de GES. Charge ensuite aux économistes de déterminer les actions pouvant être entreprises pour réaliser ces objectifs. Ces actions seront incluses dans la deuxième partie de ce 5e rapport, dont la publication est attendue pour fin mars 2014, a confirmé Jean Jouzel.
Un seul scénario envisageable: ne plus émettre dans l’atmosphère que 27 ans de nos émissions actuelles
Suivant cette nouvelle logique, voilà comment on peut présenter les quatre scénarios d’avenir présenté par le GIEC à Stokholm. Le premier nous donne la possibilité d’injecter encore dans l’atmosphère 140 à 410 gigatonnes d’équivalent carbone (*) de CO2, soit une valeur moyenne de 270 GTC, entre 2012 et 2100. Selon les scientifiques, cela nous permet de conserver, dans une certaine mesure, l’espoir de limiter l’augmentation de température supplémentaire à 1°C d’ici la fin du siècle, donc de rester sous les 2°C d’augmentation depuis le début de l’ère industrielle.
C’est donc bien ce scénario qui doit s’appliquer. En effet, tous les pays de la planète, dont bien sûr la France, ont convenu de la nécessité de rester dans cette limite de 2°C si l’être humain ne veut pas avoir de gros gros problèmes, par exemple un emballement climatique fatal à son genre. “Cela revient à diviser par 3 nos émissions mondiales entre 2020 et 2050”, a indiqué Jean Jouzel et, après, à “ne plus rien émettre”. La difficulté, c’est qu’”au rythme actuel (10 GTC émises chaque année), nous atteignons les 270 GTC en 27 ans”, n’a pas caché Jean Jouzel… c’est-à-dire avant 2040.
Jean Jouzel a conclu en soulignant un autre fait, « très clair”: “Ce n’est pas à nous (les scientifiques, n.d.l.r.) de prendre des décisions, c’est à vous”, a-t-il adressé aux hommes politiques de toute la planète venus à Nantes.
Les 3 autres scénarios du GIEC ne sont pas alarmistes, ils sont alarmants
Les autres scénarios du GIEC sont respectivement basés sur des émissions supplémentaires moyennes de 780, 1060 et 1685 GTC jusqu’à la fin du siècle. Ils ratent donc l’objectif que s’est fixé l’humanité. Ces augmentations de gaz à effet de serre nous amèneraient à des moyennes d’augmentations supplémentaires de température de l’ordre de 1,8, 2,2 et 3,7 degrés d’ici 80 ans environ.
Le dernier scénario, à savoir celui qui ressemble le plus à l’activité humaine actuelle et à ses besoins en énergies fossiles, pourrait même nous ajouter 4,8°C supplémentaire. Cela correspond (en moins d’un siècle) à la différence entre la dernière glaciation (il y a 10 000 ans) et la vie que nous connaissons aujourd’hui. Osons le répéter, la différence entre ces deux époques, c’est moins une variation de la température terrestre globale qu’un bon kilomètre de glace sur la tête des New-Yorkais et des Européens du Nord, et un différentiel de niveau de la mer de l’ordre de 120 mètres… après des milliers d’années d’augmentation. Ce n’est pas alarmiste, c’est juste alarmant.
Parmi les annonces du GIEC
– Le réchauffement du système climatique est clair. Depuis les années 1950, beaucoup de changements sont observés. L’atmosphère et l’océan ont réchauffé, les quantités de neige et de glace ont diminué. Le niveau de la mer a monté. Les concentrations de gaz à effet de serre ont augmenté.
– Chacune des trois dernières décennies a été successivement plus chaude à la surface de la Terre que n’importe quelle décennie précédente depuis 1850. 1983-2012 a été probablement la période de 30 ans la plus chaude depuis 1400 ans
– Le réchauffement de l’océan tempère l’augmentation de l’énergie stockée dans le système climatique. Il représente plus de 90 % de l’énergie accumulée entre 1971 et 2010. Il est pratiquement certain que l’océan supérieur (0-700 m) s’est réchauffé de 1971 à 2010. Il s’est probablement réchauffé entre les années 1870 et 1971.
– Pendant les deux dernières décennies, le Groenland et les couches de glace Antarctiques ont vu leur masse diminuer. Les glaciers ont continué à diminuer presque partout dans le monde. La glace arctique de mer et la couverture de neige de printemps dans l’Hémisphère nord a continué à diminuer.
– Le taux de hausse du niveau de la mer depuis le milieu du 19e siècle a été plus important que le taux moyen pendant les deux millénaires précédents. Pendant la période 1901-2010, le niveau de la mer moyen global est monté de 0.19 cm (0.17 à 0.21).
– Les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (le CO2), de méthane et d’oxyde d’azote ont augmenté à des niveaux sans précédent, au moins sur les 800 000 dernières années. Les concentrations de CO2 ont augmenté de 40 % depuis les temps préindustriels. Elles proviennent principalement des émissions de combustible fossile et secondairement d’émissions de changement d’utilisation des terres. L’océan a absorbé environ 30 % du dioxyde de carbone anthropique émis, causant une acidification océanique.
– Des émissions continues de gaz à effet de serre causeront un nouveau réchauffement et des changements de tous les composants du système climatique. La limitation du changement climatique exigera des réductions substantielles et soutenues des émissions de gaz à effet de serre.
– Les changements du cycle de l’eau global consécutifs au réchauffement ne seront pas uniformes. Les contrastes de précipitation entre des régions humides et sèches et entre des saisons humides et sèches augmentera, bien qu’il puisse y avoir des exceptions régionales.
– Les océans continueront à se réchauffer pendant le 21e siècle. La chaleur pénétrera de la surface à l’océan profond et affectera la circulation océanique.
– Il est très probable que la couverture arctique de glace de mer continuera à rétrécir. La couverture de neige de printemps de l’hémisphère nord diminuera pendant le 21e siècle.
– Le changement climatique affectera des processus de cycle de carbone en renforçant l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère. La nouvelle assimilation de carbone par l’océan augmentera l’acidification océanique.
– La plupart des aspects de changement climatique persisteront pendant de nombreux siècles même si les émissions de CO2 sont arrêtées.
Alors, on fait quoi ? On continue comme si de rien n’était ?
(*) 1 gigatonne d’équivalent carbone (GTC) correspond à 3,67 gigatonnes d’équivalent CO2.
Traduction des annonces du GIEC par nos soins.
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