Kyoto II: quel temps aurons-nous fait en 2020 ?

La promesse a été renouvelée lors de la conférence climat 2012 de Doha (Qatar): tous les pays du monde « doivent s’unir » pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre… mais pas avant 2020 et sans rien d’efficace d’ici là. Selon les données du GIEC, les politiques prennent très dangereusement beaucoup de retard. Soyons bien concrets : jour après jour, pour chacun d’entre nous, hommes, femmes, enfants, le risque croissant c’est d’être noyé, écrasé, grillé, déplacé, affamé, cantonné, rongé, dénudé, assoiffé, séparé, mutilé, dépecé, étouffé, congelé…

Aucun plan mondial ambitieux de réduction des gaz à effet de serre ne sera appliqué avant 2020, au mieux. Selon les données du GIEC (Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), un tel retard est très dangereux pour l’avenir de l’humanité. Crédit: VR

Le pétrole du Qatar, champion du monde des émissions de CO2 par tête, peut-il tout acheter : Le football, la lutte contre le changement climatique à l’origine duquel il se trouve… ? En tout cas, pas de doute : à la vitesse de la conférence 2012 de Doha, les phénomènes « naturels » extrêmes et dérèglements avancent beaucoup plus vite que la mobilisation des hommes pour les contenir et se préparer à leurs destructions potentielles. Ni le cyclone Sandy aux Etats-Unis, ni le typhon Bopha aux Philippines n’aura en cette fin d’année 2012 créé le déclic, la « bascule » capable de pousser les dirigeants de la planète à engager une action commune… A savoir un véritable plan de guerre face à un climat qui, passé une certaine limite, peut devenir « fou ».

Depuis 1990, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont grimpé de 50%

Mais est-ce nouveau ? Non. Depuis que ce type de rendez-vous a été inauguré à Berlin en 1995, dans le cadre de l’application de la Convention-cadre sur les changements climatique signée par plus de 150 pays à Rio (1992), Doha est la 18ème conférence des parties, COP comme disent les négociateurs. Par exemple, la COP-3 a eu lieu à Kyoto en 1997 mais ce n’est qu’en 2005, 8 ans plus tard, que le protocole du même nom a pu entrer en vigueur.

Notamment au menu pour les pays riches qui l’ont accepté (une petite quarantaine) : réduire entre 2008 et 2012 les émissions de gaz à effet de serre de 5,2% par rapport à leur niveau de 1990 ; mettre en place différents mécanismes d’aide dit de « flexibilité » (« permis négociables », « développement propre »…). Certes, à la fin de cette année, les pays développés qui ont décidé de s’engager dans le protocole de Kyoto devraient atteindre pour la plupart leurs objectifs (avec des exceptions notables : le Canada, peut-être au moins l’Italie en Europe…). Néanmoins, et c’est le chiffre qui compte pour l’avenir, les émissions totales des êtres humains ont depuis ces années 1990, grimpé de 50% environ… Taux d’augmentation actuel : 2-3% par an.

« Une vague de soutien pour se lancer vers une ère consacrée au changement climatique » 

Il est vrai que les ambitions du protocole de Kyoto ne le destinaient pas vraiment à endiguer le changement climatique, mais plutôt à enclencher un processus que l’on amplifierait par la suite, c’est-à-dire après… 2012. C’est à ce niveau que la conférence de Doha signe un véritable échec, échec déjà bien entamé lors des conférences précédentes, en particulier à Copenhague (2009). Car on sait d’emblée que le « Kyoto II » 2012-2020 dont les négociateurs de Doha ont finalement accouché, sera encore plus inefficace que « Kyoto I » en terme de réduction globale de gaz à effet de serre : comme prévu, il ne concernera que 15 % des émissions mondiales, des pays comme la Russie et le Canada s’étant retirés. Et bien sûr les objectifs des pays toujours volontaires, en particulier en Europe et en Australie, restent à définir. Ce sera l’un des objectifs de la prochaine COP, fin 2013 à Varsovie en Pologne.

Outre le « vide juridique » qu’il évite pour la lutte mondiale contre le changement climatique, les principaux intérêts de « Kyoto II » seront donc à chercher ailleurs. Dans la continuation des mécanismes « carbone ». Dans la conscience que cette lenteur chronique sinon cette incapacité à régler les questions « du haut vers le bas » pourrait favoriser les actions « du bas vers le haut ». Dans l’atout que peuvent faire de cette situation les pays volontaires, en augmentant fortement leurs ambitions de réduction des émissions, et en montrant aux autres que c’est très bénéfique pour leur solidité économique et sociale ainsi que pour leur résistance à venir. Dans la mobilisation citoyenne si l’information parvient haute, claire et distincte à chaque habitant, à chaque parent du monde. Du reste la conférence de Doha a convenu d’un programme de travail pour « sensibiliser le public », lui permettre de « participer » aux décisions, et « créer une vague de soutien pour se lancer vers une ère consacrée au changement climatique ».

Quel transfert de technologies et quel argent pour les pays du Sud ?

Qu’espèrent donc maintenant les négociateurs onusiens ? Principalement un accord universel, « global et ambitieux », d’ici fin 2015. La France a officiellement proposé que la signature se fasse à Paris. Ce plan serait applicable en 2020, avec des actions contraignantes pour chaque pays, y compris les Etats-Unis, la Chine, l’Inde… Une première ébauche de texte de négociation est espérée pour mai 2015.

Cela ne sera envisageable que si, comme le prévoient les négociations, il y a un réel transfert de technologies « vertes » et une vraie mobilisation de fonds pour les pays en développement, déjà bien plus touchés que les riches par cyclones, sécheresses, inondations, désertifications… Des structures comme le Centre de technonologie climatique et le Fonds vert qui va s’installer à Sondgo, en Corée-du-Sud, sont en phase de création. 100 milliards de dollars ont été promis à l’horizon 2020 pour aider les pays en développement. A Doha, les pays du Sud ont demandé 60 milliards d’ici 2015. Refus catégorique des Etats-Unis, qui ont néanmoins utilisé une somme équivalente chez eux, sinon supérieure, pour les dégâts de Sandy. L’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, le Danemark, la Suède et la Commission de l’Union européenne se sont quant à eux engagés pour 6 milliards de dollars jusqu’à 2015. A titre de comparaison, les plans d’aide aux banques se chiffrent en Europe en centaines de milliards d’euros…  Question pas si naïve que cela: et si au lieu d’intégrer le développement durable dans l’économie on intégrait l’économie dans le développement durable, ne changerait-on pas de braquet ?

Plus de 410 ppm en 2020 : de dangereuses années de retard

En tout cas, le consensus des scientifiques, ceux qui travaillent réellement sur la question climatique et sont représentés par le GIEC (Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, IPCC), souligne que plus nous attendrons pour agir, plus les mesures devront être radicales et difficiles. Plus elles seront chères aussi et plus l’économie déclinera. « Il nous reste sept ans pour inverser la courbe des émissions de CO2 », indiquait en juillet 2008 au journal Le Monde, Rajendra Pachauri, le président du GIEC, faisant allusion à l’augmentation exponentielle dans l’atmosphère des gaz à effet de serre. Cela nous amène à 2015…

Vous avez dit 2015 ? Avant même que quelques fondations de cet accord « Post-2020 » ne soient jetées (elles ne l’ont pas été à Doha), les politiques ont donc déjà de dangereuses années de retard sur les scientifiques. Au rythme actuel de l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, la concentration de CO2 de 2020 dépassera 410 ppm (parties par million), car elle approche dès à présent 400 ppm. Pire : pour contenir la hausse de la température moyenne à la surface du globe en dessous de 2°C au-dessus du niveau préindustriel –limite de dangerosité que les négociateurs onusiens se sont donnés- il faudrait que la concentration de CO2 se stabilise à environ 350 ppm selon le GIEC (430-450 ppm si l’on prend tous les gaz à effet de serre)…

Aujourd’hui, nous dépassons cette limite de plus de 12%, ce qui nous ouvre déjà une perspective de +2 à +3°C sans les technologies de captage-stockage de CO2, une augmentation elle-même en augmentation constante… La météo la plus probable pour les années à venir, c’est donc plus de changements erratiques du temps, de désertification des sols, d’acidification des océans, de sécheresses, de disparitions d’espèces végétales et animales, d’inondations, de tempêtes et autres phénomènes extrêmes… Combien faudra-t-il de catastrophes pour que vienne le déclic ?… A suivre fin 2013 à Varsovie à la prochaine COP.

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