Gaz carbonique, méthane, protoxyde d’azote: et un, et deux, et trois records !

Les concentrations des gaz à effet de serre de type gaz carbonique, méthane et protoxyde d’azote ont établi de nouveaux records en 2014, selon l’Organisation météorologique mondiale: près de 398 ppm pour le CO2, plus de 1830 ppb pour le CH4 et environ 327 ppb pour le N2O. L’OMM confirme également que l’effet de l’ensemble des gaz à effet de serre persistants représente désormais une concentration de 481 ppm équivalent CO2. Ce qui, ironie du sort, est à peu près la concentration maximum à obtenir en 2100 si l’on veut conserver au moins deux chances sur trois de rester dans la limite d’un réchauffement de +2°C depuis l’époque préindustrielle…

Evolution depuis 1850 des concentrations de gaz carbonique, de méthane et de protoxyde d'azote. Doc: GIEC, 5ème rapport, synthèse.

Evolution depuis 1850 des concentrations de gaz carbonique, de méthane et de protoxyde d’azote. Doc: GIEC, 5ème rapport, synthèse.

+ 143 %, + 254%, + 121 %: ce sont les augmentations depuis l’époque préindustrielle des concentrations dans l’atmosphère des principaux gaz à effet de serre émis par l’homme, à savoir le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O). Et ces gaz ont respectivement atteint 397,7 ppm (1), 1833 ppb (2) et 327,1 ppb en 2014, soit trois nouveaux pics. Ce sont les chiffres du bulletin de l’Organisation météorologique mondiale, établis à partir de l’analyse des données du réseau mondial de stations d’observation, et publiés à l’approche de la COP21 (3).

“Nous allons bientôt vivre en permanence dans une atmosphère dont la teneur moyenne en CO2 sera supérieure à 400 parties par million” (Michel Jarraud, secrétaire général de l’OMM)

L’OMM confirme à cette occasion les données de l’indice annuel du centre américain NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) précisant que le forçage radiatif (4) induit par l’ensemble des gaz à effet à effet de serre, est en augmentation de 36% depuis 1990 (+1,2% entre 2013 et 2014). Il revient ainsi en 2014 à une concentration de 481 ppm équivalent CO2. Or, il convient de rappeler que, selon les données du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), le niveau de 480 ppm équivalent CO2 est également le niveau maximum (fourchette 430-480 ppm, moyenne 450 ppm) qu’’il faudrait avoir en 2100 pour conserver deux chances sur trois de rester sous la limite d’un réchauffement de +2°C depuis l’époque préindustrielle.

L’OMM explique également dans son bulletin que les gaz à effet de serre non condensables (comme le CO2, le CH4, le N2O…) sont les agents de ce forçage (4) tandis que la vapeur d’eau, autre gaz à effet de serre important (mais condensable) ajoute un effet amplificateur. “La hausse des températures en surface causée par le CO2 entraîne une augmentation des concentrations de vapeur d’eau à l’échelle du globe, ce qui accentue encore l’effet de serre. Ainsi, la hausse continue de CO2 (5) se traduira par une augmentation disproportionnée de l’énergie thermique engendrée par la vapeur d’eau”, souligne –t-elle.

L’augmentation de la concentration en CO2 entre 2013 et 2014 a été de 1,9 ppm, toujours d’après l’OMM. C’est un peu moins que le taux d’accroissement moyen des dix dernières années (environ 2,06 ppm par an) mais largement plus que la progression moyenne depuis 1990 (environ 1,5 ppm/an). “Cette baisse du taux d’accroissement en 2014 par rapport aux années précédentes s’explique très probablement par une absorption annuelle accrue de CO2 par la biosphère terrestre dans les régions tropicales et subtropicales”, estime l’OMM.

“Nous allons bientôt vivre en permanence dans une atmosphère dont la teneur moyenne en CO2 sera supérieure à 400 parties par million”, a commenté le secrétaire général de l’OMM, Michel Jarraud. A l’Observatoire Mauna Loa, à Hawai, la concentration de CO2, oscillant selon les saisons, va en ce mois de novembre bientôt repasser au dessus de la barre de 400ppm. Elle ne repassera ensuite en dessous de cette barre que pendant une partie de l’automne 2016 avant de se retrouver définitivement supérieure.

Augmentation 2013-2014 de la concentration de méthane deux fois supérieures à la moyenne des dix dernières années

Le méthane, dont 60% des rejets sont d’origine humaine (élevage de ruminants, riziculture, exploitation des combustibles fossiles, décharges, combustion du bois…) a de son côté augmenté de 9 ppb entre 2013 et 2014, ce qui est près de deux fois plus que la moyenne d’augmentation depuis 10 ans (4,7 ppb/an). Après une stabilisation au début du siècle, les émissions de méthane sont reparties à la hausse depuis 2007. “Les mesures du CH4 (…) donnent à penser que cette évolution est probablement due à une hausse des émissions de méthane provenant des terres humides des régions tropicales ainsi que des sources anthropiques aux lattitudes moyennes de l’hémisphère nord”, commente l’OMM. A quantité égale et en tenant compte des rétroactions du système climatique, le potentiel de réchauffement global (PRG) du méthane est 86 fois plus puissant que le CO2 sur vingt ans et 34 fois sur un siècle.

Enfin, l’augmentation 2013-2014 de la concentration atmosphérique du protoxyde d’azote, qui provient à 40% de l’activité humaine (sols, combustion de biomasse, engrais, processus industriels…), est elle aussi supérieure à l’augmentation moyenne des dix dernières années: 1,1 ppb contre 0,87 ppb. Le potentiel de réchauffement global du N2O est, à quantité égale et en tenant compte des rétroactions du système climatique, près de 300 fois plus puissant que le CO2 sur un siècle.

(1) Parties par million.

(2) Parties par milliard.

(3) 21ème conférence des parties de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques, ayant pour but officiel de trouver un accord universel capable de limiter le réchauffement global à +2°C depuis l’époque préindustrielle.

(4) Une façon de mesurer la puissance de réchauffement. Selon l’OMM, le CO2 contribue à 65% du forçage radiatif, le méthane à 17 % et le protoxyde d’azote à 12 %.

(5) La hausse de la concentration de CO2 dans l’atmosphère est principalement due à l’utilisation du pétrole, du charbon et du gaz.