Baisse des émissions de gaz à effet de serre: quels objectifs pour l’Europe ?

-40% d’émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 (par rapport à 1990), cela peut sembler ambitieux sur le papier…. Pourtant, l’Union européenne et la France devraient proposer plus: l’effort réel à faire sur le continent est bien supérieur à notre référence hexagonale, le “facteur 4” (diviser nos émissions par 4 d’ici 2050). Petits calculs.


Emissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne par pays. Doc. The Shift Project.

Alors que les scientifiques de NOAA, agence américaine d’étude de l’atmosphère et des océans (National Oceanic and Atmospheric Administration), indiquaient que l’année 2013 était la 4e année la plus chaude depuis que l’on fait des statistiques mondiales (1880), la Commission européenne de José Manuel Durão Barroso annonçait ce 22 janvier ses ambitions pour 2030 en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Notamment au programme: un objectif de diminution de 40% des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990.

Conforme à ce qu’avait souhaité le Président François Hollande, cette proposition s’inscrit pour la France dans une perspective plus large de division par 4 (-75%) des émissions à l’horizon 2050. C’est notre fameux “facteur 4”. Pour le ministère français de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, un tel engagement est “essentiel pour crédibiliser l’engagement européen dans la lutte contre le changement climatique, particulièrement dans la perspective de l’accord international qui devra être conclu en 2015 à Paris”. Mais est-ce réellement suffisant ?

Plus de 4 milliards de tonnes de tonnes de carbone chaque année en trop

Revenons à la base de notre problème. Il est convenu que la Terre est actuellement capable de « digérer » plus ou moins 4 à 5 milliards de tonnes d’équivalent carbone tous les ans grâce à ses océans, végétaux et écosystèmes (cette capacité croît pour l’instant en parallèle de l’augmentation de nos émissions), alors que nous envoyons environ deux fois cette quantité dans l’atmosphère, et même plus (si l’on tient compte des gaz à effet de serre autre que le CO2). La grosse dose additionnelle, arrondie à 3 milliards de tonnes en 1990, et qui s’accroît toujours d’année en année (4 milliards de tonnes selon le dernier rapport du GIEC), provoque le réchauffement climatique et ses affres. Au niveau mondial, il est donc nécessaire de réduire d’au moins 50 % à terme, les émissions par rapport à 1990 pour revenir à un fonctionnement supportable de la planète. Sinon, c’est vraisemblablement la Terre elle-même qui va s’occuper de cette affaire, sans aucune humanité -voir le défilé actuel des effets dramatiques d’inondations, tempêtes, raz de marée, froids polaires…

Scénarios de stabilisation des émissions mondiales de gaz à effet de serre élaboré par le GIEC en 2007.

Scénarios de stabilisation des émissions mondiales de gaz à effet de serre élaboré par le GIEC en 2007. Le premier scénario est dès à présent hors de portée et l’ampleur du réchauffement est de plus en plus dangereux.

Pour des questions de paix, il est également préférable de partager entre tous les Terriens les 3 milliards de tonnes de carbone “digérables” par la Terre. Les calculs de l’expert énergie – climat Jean-Marc Jancovici arrivent à moins d’une demie tonne de carbone par tête et par an (460 kg précisément, mais moins encore si la population atteint 9 milliards d’êtres humains…), soit environ 25% de ce qu’émettait un Français en 1990. C’est comme cela que l’on est arrivé à la notion de “facteur 4”.  Il s’agit donc d’une notion fluctuante, évoluant notamment en fonction des émissions et du nombre de personnes concernées, et par conséquent des pays. La seule chose qui ne peut visiblement pas trop bouger, sauf à la baisse, c’est la capacité d’absorption de 3 GtC par le système terrestre.

Facteur 4, facteur 5, facteur 6, facteur 7… facteur 12

Si l’on actualise les efforts à faire pour les pays de l’Union européenn par rapport à l’année 2010, en prenant les chiffres de population fournis par la Banque mondiale et les émissions de gaz à effet de serre données par les documents diffusés par le think tank The Shift Project, alors on constate qu’à cette date la plupart des pays européens doivent faire un effort supérieur au “facteur 4” pour arriver à quelque chose de supportable pour l’écosystème terrestre. Et encore: on a conservé comme objectif un quota de 460 kg d’équivalent carbone par habitant alors que, la population ayant augmenté depuis 1990, la part de chacun a baissé  (435 kg environ pour la population de 2010). Voici les résultats:

Facteur 2: Roumanie.

Facteur 3: Portugal, Suède.

Facteur 3 à 4: Hongrie, Italie, Bulgarie, Lituanie.

Facteur 4: Espagne, France

Facteur 4 à 5: Autriche

Facteur 5: Grèce.

Facteur 5 à 6: Grande-Bretagne, Pologne.

Facteur 6 à 7: Allemagne, Danemark, Finlande, Belgique.

Facteur 7: République Tchèque.

Facteur 7 à 8: Irlande

Facteur 8: Hollande.

Et puis, plus nous attendons (comme actuellement) pour nous y mettre et y arriver, plus les “surplus” s’accumulent dans l’atmosphère, et plus le réchauffement global s’accroît, en nous garantissant toujours plus de problèmes… Ainsi, si nous voulons aujourd’hui stabiliser la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne serait-ce qu’à 450 ppm équivalent CO2 (ce qui ne nous assure même pas de rester en deça d’un réchauffement de +2°C, l’objectif planétaire officiel), nous devons faire plus vite que prévu initialement: nous sommes quasiment déjà à 400 ppm juste pour le CO2 et à plus de 480 ppm équivalent CO2 pour l’ensemble des gaz à effet de serre.

Conclusion: raisonnablement, à l’échelle de l’Union européenne, un “facteur 4” à l’horizon 2050 apparaît insuffisant tant du point de vue mathématique que dynamique… Car l’Europe, avec en tête la France de l’« excellence écologique », affiche en plus l’ambition de montrer l’exemple à la planète entière pour faire accepter à tous les états un programme de réduction efficace de leurs émissions de gaz à effet de serre, dans ce qui est déjà qualifié de projet d’accord de la dernière chance… La der des der. Paris 2015.

Pour parvenir à nos objectifs, il faudrait selon le même calcul faire accepter à l’Inde un facteur 1,2, au Brésil un facteur 3, à la Chine un facteur 4, à l’Afrique du Sud un facteur 5, au Japon un facteur 5 à 6, à la Fédération de Russie un facteur 6 à 7, aux Etats-Unis un facteur 10 à 11, à l’Australie un facteur 16…

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