La concentration de CO2 franchit le « dangereux » seuil des 400 ppm

Au dessus de 400 ppm, ce sont les possibilités de maintien du réchauffement global en dessous de 2°C par rapport à la période préindustrielle qui fondent comme neige au soleil et les risques d’emballement ou de rétroaction du système climatique qui s’accroissent: chute de l’absorption de CO2 par les océans et les végétaux, dégazage de méthane, modification de grands courants océaniques, amplification des phénomènes extrêmes, accélération de l’extinction des espèces…

Franchissement de la barre des 400 ppm de CO2 le 13, le 16, le 17 mai...

Franchissement de la barre des 400 ppm de CO2 le 13, le 16, le 17 mai…

Mauvaise nouvelle pour l’humanité : pour la première fois de son histoire, la concentration de CO2 dans l’atmosphère a dépassé plusieurs fois en ce mois mai 2013 la valeur de 400 parties par millions (ppm), selon l’observatoire du Mauna Loa, à Hawaï, qui fait référence en la matière (situation isolée, altitude élevée). Une valeur de 400,03 ppm a été donnée pour le 9 mai. Record battu le 13 mai avec 400,16 ppm, puis également le 16 mai avec 400,25 ppm. Le record du mois sera atteint le 26 mai avec 400, 53 ppm. La moyenne d’avril était de 398,35 ppm. Pour mémoire, la concentration de CO2 en 1850 était de l’ordre de 280 ppm. Elle s’est accrue d’environ 40%, notamment avec l’explosion de la consommation d’énergies fossiles.

Cette barre symbolique de 400 ppm sonne comme une alerte. « Pour espérer pouvoir se maintenir à l’objectif d’un réchauffement global de 2°C (par rapport au niveau préindustriel), il faudra d’abord que les émissions de GES commencent à baisser dès 2020, ce dont on est très loin. Il faudra ensuite qu’elles soient divisées par 3 à l’horizon 2050 », indique Jean Jouzel, vice-président du GIEC, Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Une augmentation en constante accélération

Jusqu’alors, sauf mouvement citoyen d’ampleur planétaire ou… crise gigantesque (du genre guerre à grande échelle), on a même du mal à imaginer comment les émissions  pourraient inverser leur courbe d’ici 7 ans, d’autant que les dirigeants de la planète ne prévoient l’application d’aucun accord mondial de réduction générale des émissions avant 2020

Enregistrements des concentration de CO2 à l'Observatoire Mauna Loa, à Hawaï, depuis 1960. Document du Mauna Loa Observatory

Enregistrements des concentrations de CO2 à l’Observatoire Mauna Loa, à Hawaï, depuis 1958. Document du Mauna Loa Observatory.

Les mesures du laboratoire hawaïen montrent en plus une constante accélération de la concentration de CO2 depuis un demi siècle : 317 ppm en 1960, 326 ppm en 1970, 339 ppm en 1980, 354 ppm en 1990, 370 ppm en 2000, 390 ppm en 2010… Sur les dernières années, l’augmentation moyenne annuelle est de plus de 2 ppm. Si cette augmentation est déclenchée par les émissions dues au pétrole, au charbon et au gaz, elle peut également être réduite ou amplifiée par le système de fonctionnement de la Terre.

Selon le dernier rapport du GIEC de 2007, stabiliser la concentration de CO2 sur une valeur comprise entre 400 à 440 ppm avec à une diminution des émissions de mondiales de 30 à 60% en 2050 (par rapport à 2000), et en atteignant un pic d’émissions au plus tard en 2020, aboutirait à une augmentation moyenne de température de l’ordre de 2,4 à 2,8°C depuis le début de l’ère industrielle.

Risque accru d’emballement du système climatique

Il y a six ans, le GIEC évoquait également une autre hypothèse, plus optimiste: stabiliser la concentration de CO2 à une valeur comprise entre 350 et 400 ppm grâce à une diminution des émissions de 50 à 85 % en 2050, et en atteignant un pic au plus tard en 2015… Cette hypothèse, à l’évidence irréaliste aujourd’hui, aboutissait déjà à une augmentation moyenne de température de 2 à 2,4°C. Si on remonte plus loin encore, un premier seuil de « sécurité » avait été fixé à 350 ppm.

Correspondances entre le niveau de concentration de CO2, la hausse de température moyenne attendue et le niveau de la mer. Document du GIEC.

h Correspondances entre le niveau de concentration de CO2, la hausse de température moyenne attendue et le niveau de la mer. Document du GIEC.

Dit autrement, il faut maintenant durcir encore les objectifs de diminution à l’horizon 2050 pour rattraper une partie du retard actuellement pris. Dit encore autrement, le coût de cette très mauvaise plaisanterie sera lui aussi exponentiel dans le temps: selon l’Agence internationale de l’énergie, tout dollar non investi pendant cette décennie contre le changement climatique conduira à un investissement de 4 dollars pendant la prochaine décennie.

La barre des 2°c n’est pas purement psychologique. Il s’agit d’un seuil de dangerosité selon les scientifiques travaillant sur la question. Plus l’augmentation envisagée progresse, plus les risques d’emballement ou de rétroaction du système climatique peuvent en effet devenir critiques : chute de l’absorption de CO2 par les océans et les végétaux, acidification généralisée, dégazage de méthane et d’hydrate de méthane, modification de grands courants océaniques (Gulf stream), amplification des phénomènes extrêmes (tempêtes, inondations…) et de la montée des eaux, accélération de l’extinction des espèces…